Publié par Sherry Cooper
L’économie canadienne rebondit au T3, plafonne au T4.
L’économie canadienne rebondit au T3, plafonne au T4
L’économie du Canada a véritablement rebondi au troisième trimestre, enregistrant sa plus forte expansion de tous les temps. Pourtant, les gains n’étaient pas aussi élevés que prévu. De plus, des données préliminaires indiquent que l’élan s’essouffle rapidement face à la deuxième vague de la pandémie.
Le produit intérieur brut a augmenté de 40,5 % (taux annualisé) au T3, compensant le plongeon historique de 38,1 % du T2 (après révision, au lieu de -37,8 %). Aussi impressionnante qu’ait été la progression du T3, elle est restée inférieure aux attentes largement partagées. Même la mise à jour économique dévoilée hier prévoyait une montée de 47,5 % par suite de la réouverture de l’économie. Il reste que, grâce à des révisions à la hausse de trimestres passés (remontant des années en arrière), il semble que l’économie connaîtra un déclin d’environ 5,7 % cette année. La production totale est revenue à 95 % de son niveau d’avant la pandémie.
L’énorme deuxième vague de cas de COVID a entraîné la mise en place de restrictions partout au pays ces dernières semaines, faisant que le rebond du T3 perdu son élan au T4. Les données d’aujourd’hui indiquant que le PIB a augmenté de 0,8 % en septembre et les estimations d’octobre prévoyant +0,2 % sont modérément encourageantes. Néanmoins, il faut prévoir que l’activité plafonnera en novembre et baissera en décembre. La croissance du T4 devrait ainsi se situer entre 0 et 2 % (taux annualisé).
La forte hausse du T3 a amené le PIB à 5,2 % sous le niveau d’un an plus tôt au même trimestre. Cependant, le gain d’octobre améliore encore le bilan, laissant le mois à 4 % sous le niveau d’un an plus tôt.
Comme l’indique le tableau ci-dessous, la croissance du PIB au T3 a déçu principalement en raison du déclin des stocks. Sinon, tous les indicateurs traduisaient une relance énergique de l’activité après les fermetures du printemps. Il y a eu des taux de remontée à trois chiffres dans les investissements résidentiels, les investissements en matériel et outillage et les importations. Le résidentiel a progressé à un taux annuel record de 187,3 % d’un trimestre à l’autre. Il était le domaine le plus vigoureux de l’économie. Le résidentiel a augmenté de 9,5 % d’une année à l’autre.
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Les consommateurs mènent le bal
La consommation, dont la baisse avait entraîné la contraction au deuxième trimestre, a augmenté de 63 % (taux annualisé) quand les consommateurs se sont précipités pour dépenser après avoir été privés de la plupart des magasins pendant le confinement. Les habitudes de dépenses ont changé en raison de préoccupations pour la santé et de restrictions persistantes dans les secteurs les plus touchés par la pandémie (p. ex., restaurants, voyages, tourisme), faisant que les consommateurs ont jeté leur dévolu sur les biens durables (+263 %). Les biens non durables ont aussi bien progressé dans le trimestre (+19 %). Le niveau des dépenses sur les biens durables et les biens non durables était en hausse de 7,7 % et 3,7 %, respectivement, par rapport au niveau d’avant la pandémie. En revanche, comme la pandémie entrave la demande de services à forte proximité physique, les dépenses totales sur les services sont restés largement sous les niveaux d’avant la pandémie (-12,4 %) malgré une forte hausse au troisième trimestre (44,3 %).
Les finances des ménages ont fait l’objet de beaucoup d’attention pendant la pandémie. Le taux d’épargne a reculé au T3, mais il restait très élevé, à 14,6 % (après le record de 27,5 % au T2). Par rapport aux tendances d’avant le virus, les économies des ménages se situent au moins 150 milliards de dollars au-delà de ce qu’elles auraient été normalement. Même si le revenu disponible a baissé au dernier trimestre, il restait non moins de 10,6 % supérieur à ce qu’il était un an plus tôt. Il n’avait augmenté que de 3,8 % en 2019.
Il faut noter que l’ensemble des dépenses de consommation est en en baisse de 3,7 % par rapport à un an plus tôt en termes nominaux, les dépenses sur les services étant largement entravées par la situation. Le grand écart entre la montée du revenu disponible et la restriction des dépenses a fait augmenter l’épargne. On peut y voir l’effet des programmes gouvernementaux destinés à atténuer le choc de la pandémie, y compris reports de prêts hypothécaires et autres ainsi que programmes de soutien du revenu.
La mise à jour économique présentée hier par le gouvernement fédéral a confirmé que les mesures de soutien seront rehaussées. En conséquence, le déficit budgétaire fédéral dépassera les 381 milliards de dollars. Le Canada a déjà fourni les plus importantes mesures de stimulation économique face à la COVID parmi les pays industrialisés. Avant, le Canada avait le plus faible ratio dette gouvernementale-PIB du G7, soit 31 %. Selon les prévisions, le ratio dépassera les 50 % dans le prochain exercice.
Comme la consommation, l’investissement des entreprises a rebondi : +82,4 % (taux annualisé) au troisième trimestre. L’acquisition de matériel et d’outillage (+91,8 %) et de produits de propriété intellectuelle (+30,8 %) a contribué à la hausse. L’investissement dans des structures non résidentielles a par contre baissé (-1,2 %). Cependant, le principal facteur dans l’augmentation est l’investissement résidentiel (+187,3 %). Le marché de l’habitation a connu une activité effrénée : la demande refoulée, les faibles taux d’intérêt et l’évolution des choix de logement par suite de la pandémie ont porté les ventes et les prix à des sommets cet été.
La remontée de l’investissement dans l’habitation doit beaucoup aux transferts de propriété (+109,5 % d’un trimestre à l ‘autre) et, dans une moindre mesure, aux rénovations (+17,7 %). L’augmentation des transferts de propriété a été généralisée, alors que les activités de revente de maisons reprenaient partout au pays, avec de fortes hausses des prix et du nombre d’unités vendues. La nouvelle construction a augmenté de 9,7 % d’un trimestre à l’autre, après avoir baissé de 7,6 % au deuxième trimestre. Les hausses coïncident avec de faibles taux hypothécaires, une amélioration des conditions sur le marché du travail et une rémunération des salariés en hausse au troisième trimestre.
Du côté du commerce international, tant les exportations que les importations ont nettement augmenté (exportations : 71,8 %; importations : 113,7 %). Comme les importations ont progressé davantage que les exportations, la balance commerciale a pesé sur le calcul du PIB pour le trimestre.
Sur le marché du travail, près du tiers des emplois perdus en mars et avril ont été récupérés au troisième trimestre. La rémunération des salariés a augmenté en conséquence pour le trimestre (+35,5 %). Les transferts gouvernementaux sous forme de prestations d’assurance emploi, qui avaient soutenu le revenu au deuxième trimestre, ont baissé de 91,9 % tout en restant à des niveaux historiquement élevés. Dans l’ensemble, le revenu disponible des ménages a baissé de 12 % au troisième trimestre. Le taux d’épargne est toutefois resté à 14,6 %, la reprise de la consommation étant compensée par la remontée de la rémunération et les transferts gouvernementaux demeurant élevés. Enfin, l’excédent brut d’exploitation, indicateur des bénéfices des entreprises, a augmenté de 59,3 % pour le trimestre.
En somme
L’économie canadienne régressera d’environ 5,7 % cette année, avant de remonter de 5,5 % en 2021 (la mise à jour économique d’hier était fondée sur une baisse de 5,8 % en 2020 et une hausse de 4,8 % l’an prochain). La plus forte baisse enregistrée précédemment était de 3,2 %, en 1982. La hausse prévue l’an prochain serait la plus forte depuis 1984. Quiconque douterait de la capacité de l’économie de se rétablir à pareil taux peut considérer ces éléments : a) certains des taux de croissance constatés au T3, qui pourraient annoncer ce qui viendra en 2021; b) les mesures supplémentaires de stimulation de l’économie qui vont être annoncées; et c) le degré auquel les ménages disposent d’un excédent d’épargne qu’ils pourront utiliser dans l’année à venir.