Publié par Sherry Cooper
Le BSIF s’inquiète de l’exposition des prêteurs fédéraux au risque hypothécaire.
Le BSIF envisage de nouvelles mesures
La semaine passée, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a annoncé qu’elle s’inquiète des risques associés au nombre élevé et croissant d’emprunteurs fortement endettés, surtout que le nombre ayant un prêt hypothécaire à taux variable représente une proportion record des prêts hypothécaires en cours.
Comme l’économie risque d’entrer en récession et que la Banque du Canada prévient qu’il pourrait y avoir encore des hausses de taux pour combattre une inflation persistante, le marché de l’habitation pourrait subir des pressions soutenues dans les mois à venir.
Un nombre record d’acheteurs ont opté pour des emprunts à taux variable pendant la pandémie et son boom de l’immobilier au Canada. Ces emprunteurs pourraient se trouver en difficulté si les coûts hypothécaires restent élevés. Les pertes d’emploi causées par un ralentissement économique pourraient aussi faire que certains peinent à effectuer leurs paiements hypothécaires et garder leur maison.
Le surintendant des institutions financières, Peter Routledge, a dit qu’un examen des règles canadiennes de souscription des prêts hypothécaires débutant cette semaine ne se limitera pas à sa principale mesure actuelle – le test de résistance exigeant que les emprunteurs démontrent leur admissibilité à des taux d’intérêts supérieurs à ce que leur banque propose.
« Nous nous demandons s’il est suffisant », dit M. Routledge au sujet du test actuel. « Nous nous pencherons donc sur un éventail plus vaste d’outils, y compris des limites du ratio dette-revenu et du ratio d’amortissement de la dette, en plus de l’outil actuel du test de résistance en fonction du taux d’intérêt. »
Les règles proposées – sous réserve d’une consultation publique – comprennent des restrictions du ratio prêt-revenu et du ratio dette-revenu, de nouveaux tests de résistance visant l’abordabilité des taux d’intérêt et des restrictions relatives à la couverture du remboursement de la dette.
Des emprunteurs fortement endettés
Le BSIF est préoccupé en particulier par la hausse dans les émissions de prêts hypothécaires à des ménages avec un ratio prêt-revenu de 450 % ou plus, que la Banque du Canada a depuis longtemps signalés comme présentant le plus de risque de défaillance. Le risque a été maintes fois souligné dans le document d’analyse des risques financiers de la Banque, la Revue du système financier du Conseil de direction. « Ces ménages très endettés sont plus vulnérables à une baisse de revenu et auront davantage de difficultés financières lorsqu’ils renouvelleront leur prêt hypothécaire à des taux plus élevés », lit-on dans le dernier rapport.
Cette vulnérabilité a trait à la capacité des ménages à continuer d’assurer le service de leur dette en cas de baisse des revenus ou de hausse des taux d’intérêt, sans réduire considérablement leur consommation. Selon le personnel de la Banque, les ménages les plus endettés ont enregistré les plus faibles augmentations d’actifs liquides. Dans le même temps, parallèlement à la hausse des prix des logements, de nombreux ménages ont contracté de gros prêts hypothécaires pour acquérir un logement, venant ainsi grossir la part déjà importante des ménages très endettés.
Le graphique ci-dessous indique que la proportion moyenne des emprunteurs ayant un radio prêt-revenu élevé avant la pandémie était de 23,8 %. Depuis le début de la pandémie, la moyenne est passée à 33,7 %.
Propositions pour commentaires
Jusqu’à présent, les taux de délinquance aux institutions financières fédérales (IFF) sont au plus bas. Les grandes IFF ont travaillé étroitement avec les emprunteurs qui avaient atteint leur point critique. Les banques TD, CIBC et BMO ont parfois accepté des taux d’amortissement négatif jusqu’au renouvellement. Par conséquent, la proportion de leurs prêts hypothécaires ayant des amortissements restants a fortement augmenté (voir le deuxième tableau ci-dessous). Il reste à voir comment ils géreront la situation au moment du renouvellement. Le nouveau prêt hypothécaire sera-t-il amorti sur 25 ans, en augmentant radicalement les paiements mensuels et le risque de défaillance, surtout pour les ménages fortement endettés?
La semaine passée, les PDG des cinq grandes banques se sont exprimés au sujet des clients hypothécaires vulnérables. Aucun n’est allé tout à fait aussi loin que le nouveau PDG de la Banque Scotia, Scott Thomson, qui a dit avoir environ 20 000 emprunteurs considérés comme « vulnérables ». Ces emprunteurs ont un prêt hypothécaire à ratio prêt-valeur (RPV) élevé, une faible cote de crédit, peu de fonds dans leur compte de chèques ou des propriétés dont la valeur est tributaire de la conjoncture du marché.
« Donc, en pensant au risque posé par les plus vulnérables, nous avons environ 20 000 clients, soit 2,5 % [du portefeuille] », disait-il lundi lors de la Conférence des chefs de la direction des banques canadiennes de RBC Marchés des capitaux.
Il précisait toutefois qu’il s’agit d’une situation que sa banque peut gérer. Les prêts hypothécaires à taux variable de la Banque Scotia ne sont pas à paiements fixes. Les mensualités sont ajustées chaque fois que la banque centrale change le taux directeur.
Selon Steve Huebl de Canadian Mortgage Trends, le président et chef de la direction de RBC, Dave McKay, a affirmé que sa banque « surveille attentivement ses clients hypothécaires, utilisant l’intelligence artificielle et différents types de modélisation pour prévoir les capacités financières des clients ».
« Nous tenons compte des revenus et des effets de l’inflation sur les dépenses d’un ménage, et nous surveillons les fonds affectés aux paiements d’intérêts, comme le ferait toute entreprise, a dit M. McKay pendant la conférence. Nous le faisons pour chacun de nos clients, parce que plus de 80 % de nos clients ont leurs comptes chèques et la gestion de leurs liquidités de base chez nous. »
Quant à son portefeuille de prêts hypothécaires à taux variable, représentant de 100 à 120 milliards de dollars, M. McKay affirme que sa banque est parvenue à segmenter ce groupe de clients, surveillant le moment où ils atteignent leur point critique et le moment où leur taux sera à nouveau déterminé.
Avec de la modélisation, la banque peut prévoir quels clients qui sont sur le point de renouveler « auront ou non des problèmes de liquidités » si l’économie connaissait une récession soit modérée ou marquée, a-t-il dit. « Nous en avons une assez bonne idée. »
Pour les clients qui ont de la peine à effectuer leurs paiements, les prêteurs hypothécaires ont diverses options pour tenter de les aider avant qu’ils n’arrivent au point où ils devraient vendre leur maison.
« Il y a des reports de paiements, il y a des reports d’échéance. Il y a toujours des moyens de travailler avec le client », dit M. McKay.
Quant aux clients qui à la fois manquent de liquidités et ont une propriété dont la vente ne couvrirait pas le prêt hypothécaire, si bien qu’ils pourraient se trouver en situation de défaut, M. McKay indique qu’il s’agit d’un groupe nettement plus petit, mais que la banque surveille de près.
« Ce groupe, je peux vous dire qu’il est dans les très peu de points de pourcentage de notre portefeuille, dit-il. Et c’est ce groupe que nous gérons. »
En somme
Ces mesures pourraient bien entraîner une pression supplémentaire sur la croissance des hypothèques. Les courtiers hypothécaires ont accès à des prêteurs qui ne seront pas touchés par les changements aux règles B-20 de BSIF. Plus que jamais, les courtiers pourraient fournir des services précieux aux emprunteurs refusés par les banques. En cette période d’incertitude, les clients actuels et les nouveaux clients ont besoin de conseils d’un professionnel compétent et attentif.