Publié par Sherry Cooper
La faible croissance de l’emploi et le chômage croissant en mars au Canada sont les premiers signes d’un ralentissement économique induit par la guerre commerciale.
La faible création d’emplois au Canada est la première conséquence de la guerre commerciale
Les données de mars de l’Enquête sur la population active publiées aujourd’hui sont plus faibles que prévu. L’emploi a reculé de 33 000 (-0,2 %) en mars, affichant sa première diminution depuis janvier 2022. La baisse de mars fait suite à la faible variation observée en février et aux trois hausses mensuelles consécutives enregistrées en novembre, décembre et janvier, totalisant 211 000 (+1,0 %).
Le taux d’emploi – la proportion de la population âgée de 15 ans et plus qui occupe un emploi – a reculé de 0,2 point de pourcentage pour s’établir à 60,9 % en mars. Cette baisse a contrebalancé en partie l’augmentation de 0,3 point de pourcentage observée d’octobre 2024 à janvier 2025.
L’emploi dans le secteur privé a diminué de 48 000 (-0,3 %) en mars, après avoir peu varié en février et affiché une augmentation cumulative de 97 000 (+0,7 %) de novembre 2024 à janvier 2025. Par rapport à un an plus tôt, le nombre d’employés dans le secteur privé était en hausse de 175 000 (+1,3 %).
L’emploi dans le secteur public a peu varié pour un troisième mois consécutif en mars. Il était en hausse de 92 000 (+2,1 %) par rapport à un an plus tôt. Le travail autonome a aussi peu varié en mars. Il était en hausse de 81 000 (+3,0 %) par rapport à un an plus tôt.
Les économistes s’attendaient à ce que la guerre commerciale pèse sur le marché du travail canadien en mars. Les acteurs du marché prévoyaient qu’il n’y aurait aucun gain en emploi alors que les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium menaçaient des emplois dans le secteur. Nous n’avons pas encore vu de grandes mises à pied, mais le fabricant automobile Stellantis NV a interrompu la production à ses usines de montage à Windsor (Ontario) et au Mexique, mettant au chômage 3200 personnes au Canada, 2600 au Mexique et 900 à six usines américaines. Il était prévisible que la pression exercée par ces tarifs et d’autres encore, plus vastes, sur les biens non visés par l’ACEUM entraînerait la stagnation de la croissance de l’emploi en mars. À 6,7 %, le taux de chômage correspond aux attentes. Il reste quand même à 2 dixièmes de point sous le sommet du cycle, en novembre.
L’emploi pourrait encore baisser dans les prochains mois, selon l’évolution du contexte tarifaire. La moyenne des heures travaillées pourrait baisser davantage, par suite de programmes de travail partagé qui entreront en vigueur en raison des pressions sur la production manufacturière.
Le taux de chômage a augmenté de 0,1 point de pourcentage pour s’établir à 6,7 % en mars. Il s’agissait de la première hausse depuis novembre 2024. Le chômage avait suivi une tendance à la hausse, passant de 5,0 % en mars 2023 à un sommet récent de 6,9 % en novembre 2024, avant de diminuer de 0,3 point de pourcentage de novembre 2024 à janvier 2025, dans le contexte d’une forte croissance de l’emploi à la fin de 2024 et au début de 2025.
Depuis mars 2024, le taux de chômage est demeuré supérieur à sa moyenne de 6,0 % enregistrée de 2017 à 2019, avant la pandémie de COVID-19.
Au total, il y avait 1,5 million de chômeurs en mars, en hausse de 36 000 (+2,5 %) par rapport au mois précédent et de 167 000 (+12,4 %) par rapport à un an plus tôt.
Parmi les personnes qui étaient au chômage en février, 14,7 % ont commencé à travailler en mars. Cette proportion est inférieure à celle observée en mars 2024 (18,6 %) (données non désaisonnalisées).
Le chômage de longue durée a aussi augmenté : la proportion de chômeurs à la recherche d’un emploi depuis 27 semaines ou plus s’est établie à 23,7 % en mars 2025, en hausse par rapport à 18,3 % en mars 2024.
Le total des heures travaillées a progressé de 0,4 % en mars, après avoir diminué de 1,3 % en février. Par rapport à un an plus tôt, le total des heures travaillées était en hausse de 1,2 %.
En mars par rapport à un an plus tôt, le salaire horaire moyen des employés était en hausse de 3,6 % (+1,24 $ pour atteindre 36,05 $), après avoir augmenté de 3,8 % en février (données non désaisonnalisées).
Un moins grand nombre de personnes travaillent dans le commerce de gros et de détail et dans l’information, la culture et les loisirs.
L’emploi a diminué de 29 000 (-1,0 %) dans le secteur du commerce de gros et de détail en mars, ce qui a contrebalancé en partie la hausse de 51 000 enregistrée en février. Par rapport à un an plus tôt, le nombre de personnes travaillant dans le commerce de gros et de détail était presque inchangé en mars.
Après avoir peu varié pendant cinq mois, l’emploi a reculé de 20 000 (-2,4 %) dans le secteur de l’information, de la culture et des loisirs en mars. Malgré cette baisse, l’emploi dans ce secteur est presque inchangé par rapport à un an plus tôt.
En mars, l’emploi a aussi diminué dans le secteur de l’agriculture (-9300; -3,9 %), tandis qu’il a progressé dans le secteur des « autres services » (comme les services personnels et les services de réparation) (+12 000; +1,5 %) et dans le secteur des services publics (+4200; +2,8 %).
En somme
Les données sur l’emploi en mars aux États-Unis ont aussi été publiées ce matin. Au contraire du Canada, les États-Unis ont vu la croissance de l’emploi surpasser les attentes en mars, quoique le taux de chômage ait légèrement augmenté. Le marché du travail paraît être en bonne posture avant que l’économie mondiale ne soit secouée par la vague de tarifs douaniers.
Le marché canadien du travail a perdu de l’élan en mars, accusant le plus grand recul en plus de trois ans. La perte d’emplois était la première depuis huit mois, les secteurs exposés au commerce étranger étant notamment touchés.
Les menaces et les mesures tarifaires du président des États-Unis et les droits de douane appliqués en représailles par le Canada ont pesé sur le marché de l’emploi au Canada ces deux derniers mois. Cependant, comme le Canada a échappé à la dernière ronde de soi-disant tarifs réciproques, la Banque du Canada aura peut-être gagné du temps pour soupeser la faiblesse économique par rapport à la hausse des pressions sur les prix.
Les actions ont connu leur plus forte baisse depuis le début de la COVID en mars 2020, et les obligations prennent de la vigueur, faisant que les taux d’intérêt du marché plongent. La Banque du Canada tiendra sa prochaine réunion le 16 avril. La veille, les données sur l’inflation canadienne de mars seront publiées. Ces données revêtiront une importance particulière, la banque centrale devant tenir compte à la fois de l’inflation induite par les tarifs douaniers et du chômage. Actuellement, les opérateurs boursiers escomptent une probabilité de 33 % d’une réduction de taux d’intérêt de 25 pb. Il se peut que la Banque laisse passer ce mois-ci, mais le ralentissement prévisible de l’économie canadienne justifiera une baisse de taux en juin, sinon plus tôt.