Publié par Sherry Cooper
La Banque du Canada maintient les taux face à l’incertitude liée aux tarifs douaniers.
La Banque du Canada maintient les taux face à l’incertitude liée aux tarifs douaniers – De nouvelles réductions suivront
La Banque du Canada a laissé son taux directeur inchangé à 2,75 % lors de sa réunion d’aujourd’hui. C’est ce que prévoyait la moitié du marché, et c’est une première après six décisions consécutives réduisant le taux, l’abaissant en tout de 225 points de base. Le Conseil de direction a noté que le caractère imprévisible de l’ampleur et de la durée des tarifs douaniers pose des risques de baisse de la croissance et de hausse des attentes d’inflation. Cela étant, la prudence s’impose quant à la poursuite de l’assouplissement monétaire.
L’incertitude plus grande découle de l’absence de trajectoire claire dans la politique tarifaire des États-Unis, ce qui a amené le Conseil de direction de la Banque du Canada à présenter deux scénarios économiques dans son plus récent Rapport sur la politique monétaire. Si les États-Unis limitent la portée des tarifs imposés au Canada, la Banque prévoit que la croissance faiblira temporairement et que l’inflation restera près de la cible de 2 %. Si les États-Unis se lancent dans une guerre commerciale totale avec le Canada et la Chine, la Banque prévoit plutôt une récession cette année et une inflation grimpant temporairement au-delà de 3 % l’année prochaine.
« Beaucoup d’autres scénarios de l’évolution de la politique commerciale sont possibles, affirme la Banque dans un communiqué. En outre, un degré d’incertitude inhabituel entoure les issues économiques de tout scénario envisageable, car l’ampleur et la rapidité des changements de cap de la politique commerciale américaine sont sans précédent. »
La Banque détaille son analyse : « Les marchés financiers ont été perturbés par les annonces et reports successifs de droits de douane, ainsi que par les menaces continues d’escalade. Cette volatilité extrême des marchés ajoute à l’incertitude. Les prix du pétrole ont considérablement diminué depuis janvier, en raison surtout de la dégradation des perspectives de croissance mondiale. La valeur du dollar canadien s’est appréciée récemment en raison de la faiblesse généralisée du dollar américain. »
La Banque soupèse les implications de cette situation très inhabituelle : « Au Canada, l’économie ralentit, les annonces de droits de douane et l’incertitude pesant sur la confiance des consommateurs et des entreprises. La consommation, l’investissement résidentiel et les dépenses des entreprises semblent tous avoir diminué au premier trimestre. Les tensions commerciales entravent aussi la reprise du marché du travail. Le niveau d’emploi a baissé en mars et les entreprises indiquent qu’elles prévoient embaucher moins. La croissance des salaires continue de montrer des signes de modération.
« L’inflation s’est établie à 2,3 % en mars, ce qui est plus bas qu’en février, mais reste plus élevé que le taux de 1,8 % observé au moment de la publication du Rapport [sur la politique monétaire] de janvier. L’inflation plus forte des derniers mois est attribuable à un certain rebond des prix des biens et à la fin du congé de TPS et de TVH. À partir d’avril et pendant un an, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation sera tirée vers le bas en raison du retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs. À court terme, le recul des cours mondiaux du pétrole modérera aussi l’inflation. Cependant, les droits de douane et les perturbations des chaînes d’approvisionnement devraient faire monter certains prix. L’ampleur de ces pressions à la hausse sur l’inflation dépendra de l’évolution des droits de douane et de la rapidité à laquelle les entreprises répercuteront les hausses de coûts sur les consommateurs. Les attentes d’inflation à court terme ont augmenté, les entreprises et les consommateurs anticipant des coûts plus élevés en raison du conflit commercial et des perturbations de l’approvisionnement. Les attentes d’inflation à long terme ont peu changé.
« Le Conseil de direction continuera de mesurer l’évolution et la force des pressions sur l’inflation – celles à la baisse dues à l’affaiblissement de l’économie et celles à la hausse découlant de la montée des coûts. Notre priorité sera de préserver la confiance de la population canadienne dans la stabilité des prix pendant cette période de bouleversements mondiaux. Pour y arriver, nous soutiendrons la croissance économique tout en veillant à ce que l’inflation reste bien maîtrisée.
Le Conseil fera preuve de prudence en portant une attention particulière aux risques et aux incertitudes auxquels l’économie canadienne est confrontée, notamment : dans quelle mesure les droits de douane plus élevés feront baisser la demande pour les exportations canadiennes; à quel point cela aura une incidence sur les investissements des entreprises, l’emploi et les dépenses des ménages; avec quelle ampleur et à quelle vitesse les hausses de coûts seront répercutées sur les prix à la consommation; et comment évolueront les attentes d’inflation.
« Nous ne pouvons pas, avec la politique monétaire, résoudre l’incertitude liée au commerce ni neutraliser les répercussions d’une guerre commerciale. Mais elle peut – et elle doit – maintenir la stabilité des prix pour les Canadiennes et Canadiens. »
En somme
Les États-Unis sont bien décidés à imposer des tarifs douaniers au monde entier, touchant en particulier le Canada, le Mexique et la Chine qui sont leurs plus grands partenaires commerciaux. Il s’agit d’une politique néo-mercantiliste mal inspirée. Le mercantilisme repose sur l’hypothèse d’une activité économique mondiale fixe, faisant que les gains d’un pays se font nécessairement aux dépens d’un autre. Cette idée d’un jeu à somme nulle a été déboulonnée au 18e siècle. Adam Smith et d’autres ont démontré que si certains pays ont un avantage concurrentiel dans la production de biens ou services donnés, tous en profitent quand on les laisse les produire et les vendre au reste du monde. Le jeu n’est pas à somme nulle. Le gâteau économique grossit avec le commerce. C’est cette idée qui a mené à la mondialisation et à l’accord de libre-échange États-Unis–Mexique–Canada.
Compte tenu de la vulnérabilité du Canada à des tarifs douaniers, son économie souffrira davantage que celle des États-Unis (dont les exportations représentent une modeste part de son PIB). Les prix augmenteront plus ou moins selon la durée et l’ampleur des tarifs douaniers. La lutte contre l’inflation affaiblira l’activité économique. Le mot « stagflation », qui a hanté les années 1970, revient dans l’actualité.
Nous nous attendons à ce que la Banque du Canada recommence à réduire le taux directeur à coups de 25 pb, jusqu’à atteindre 2,0 % à 2,25 % en juin, ce qui déclenchera une relance des ventes immobilières. Des mises à pied et des compressions budgétaires atténueront l’élan, mais les taux d’intérêt plus bas inciteront les acheteurs à agir. Les inventaires de logements sur les marchés ont augmenté fortement. Il y a une nouvelle offre de condos et une forte hausse des nouvelles inscriptions de maisons existantes, et les prix immobiliers sont en baisse.