Publié par Sherry Cooper
La Banque du Canada maintient son taux à un jour à 0,25 % et module son programme d’achat d’obligations.
La Banque du Canada module l’assouplissement quantitatif
Tel que prévu, la Banque du Canada a maintenu son taux cible du financement à un jour à sa valeur plancher effective de 25 points de base, étant clairement entendu que des taux directeurs négatifs ne sont pas envisagés. Au lieu, la banque centrale continuera de miser sur de vastes achats d’actifs – l’assouplissement quantitatif (AQ). La banque centrale module son programme d’AQ tel que promis depuis quelques semaines. À la mi-octobre, elle a annoncé la fin de ses programmes d’opérations de prise en pension, de la facilité d’achat des acceptations bancaires et d’achat d’Obligations hypothécaires du Canada (PAOHC), ceux-ci n’étant plus nécessaires pour assurer la liquidité sur ces marchés. Les volumes des achats ont baissé sensiblement depuis avril. Il n’y aura que des répercussions minimes sur les taux d’intérêt du marché.
Le Conseil de direction a annoncé aujourd’hui qu’il réduirait aussi graduellement les achats d’obligations du gouvernement fédéral, qui passeront d’au moins 5 milliards de dollars par semaine à au moins 4 milliards de dollars. « Le Conseil de direction juge que compte tenu de ces ajustements combinés, le programme d’assouplissement quantitatif fournit une détente monétaire au moins aussi forte qu’avant. »
Le Parti conservateur, dans l’opposition, mettait en garde le gouverneur Macklem quant aux risques de financer les dépenses du gouvernement Trudeau. La Banque n’avait toutefois guère d’autre choix que d’augmenter ses achats de nouvelles obligations de référence – celles que le gouvernement vend actuellement, par opposition à des obligations plus anciennes qui deviennent de plus en plus illiquides. Selon Bloomberg News : « Le programme d’assouplissement quantitatif de la Banque reflétera de plus en plus les ventes d’obligations du gouvernement alors que les députés de l’opposition incitent la Banque à éviter de financer directement le programme de dépenses du premier ministre Trudeau. » (Voir le graphique ci-dessous.) La Banque détient déjà plus du tiers de la dette du gouvernement du Canada, ce qui est proportionnellement plus que n’en font la plupart des banques centrales, parce que le Canada a longtemps enregistré des surplus budgétaires et réduit sa dette.
Pratiquement toutes les grandes banques centrales du monde ont lancé un programme d’AQ d’urgence en réponse à la crise de la COVID-19. La Banque du Canada affirme que son programme d’AQ renforce son engagement à maintenir les taux d’intérêt à des niveaux très bas au cours des quelques prochaines années, jusqu’à ce que l’inflation annuelle soit stabilisée à son niveau cible de 2 %. Le Rapport sur la politique monétaire d’octobre publié aujourd’hui indique qu’elle laissera probablement le taux à un jour à 0,25 % jusqu’en 2023.
La banque centrale n’a pas l’intention de réduire les mesures de stimulation, au vu des risques croissants pour l’économie dans la deuxième vague de la COVID-19. « Pendant la phase de récupération, des mesures de politique monétaire exceptionnelles devront continuer de soutenir l’économie, a soutenu la Banque. Nous sommes déterminés à procurer le niveau de détente monétaire nécessaire pour soutenir la reprise et atteindre l’objectif d’inflation. »
Rapport sur la politique monétaire d’octobre
- Après la forte reprise de la croissance quand les mesures de confinement ont été levées et que l’économie a redémarré, le Canada est passé dans une phase de récupération plus lente. La relance se poursuit largement comme l’indiquait le rapport de juillet, bien qu’elle ait été initialement plus vigoureuse que prévu. À court terme, le ralentissement de la récupération sera sans doute plus prononcé en raison de la récente augmentation des cas de COVID-19.
- Il y a une capacité excédentaire persistante et importante dans l’économie canadienne. L’écart entre la production réelle de l’économie et sa production potentielle ne sera probablement pas éliminé avant 2023. L’économie progresse de façon inégale. Certains secteurs et certains travailleurs sont plus durement touchés par le virus – surtout dans les domaines de l’hébergement, de la restauration, des arts, des divertissements et des loisirs, ainsi que dans les transports. Bon nombre des plus durement touchés sont des travailleurs à faible revenu.
- Les prix du pétrole restent sous les niveaux d’avant la pandémie, et il faut supposer qu’ils demeureront autour des niveaux actuels. L’Alberta en souffrira.
- Selon les prévisions, la persistance de capacités inutilisées dans l’économie continuera de contenir l’inflation jusqu’en 2023.
Les prévisions de la Banque du Canada pour la croissance canadienne sont indiquées dans le tableau ci-dessous. La reprise économique sera sans doute prolongée, soutenue par des politiques mais grandement influencée par l’évolution du virus, l’incertitude persistante et les changements structurels dans l’économie. Ces changements pourraient entraîner des déplacements durables de travailleurs et de capital entre différentes régions et différents secteurs de l’économie. Ces ajustements conditionnent les estimations de la Banque quant à la croissance potentielle.
Après avoir reculé d’environ 5,5 % en 2020, l’économie progresserait de presque 4 % en moyenne en 2021 et 2022. Deux facteurs feront sans doute que la croissance sera inhabituellement saccadée de trimestre en trimestre : des éclosions et des mesures sanitaires locales; et des taux de reprise variables entre les secteurs de l’économie.
L’inflation resterait sous la fourchette de 1 à 3 % visée par la Banque jusqu’au début de 2021, principalement enraison des effets des bas prix de l’énergie. Par la suite, elle resterait dans la fourchette, mais la capacité excédentaire de l’économie continuera d’exercer une pression baissière sur l’inflation pendant toute la période visée par les projections.
On estime que la croissance a fortement rebondi au troisième trimestre, récupérant environ deux tiers du déclin du premier semestre de l’année. Une bonne part de la reprise de l’économie est attribuable à une remontée de la demande étrangère, à la libération de la demande refoulée dans l’habitation et pour certains biens durables ainsi qu’à de solides programmes de soutien.
Dans le secteur de l’habitation, l’activité a remonté en flèche au troisième trimestre, profitant de coûts de financement au plus bas et des revenus préservés chez les ménages à revenu élevé ainsi que de ventes supplémentaires et de construction compensant la suspension de l’activité au printemps (graphique 7). En septembre, le total cumulatif des reventes aurait effacé l’activité perdue au cours de la période habituellement effervescente du printemps. Le secteur de l’habitation profite aussi peut-être d’une évolution des préférences. En particulier, plus d’un quart des répondants à l’Enquête sur les attentes des consommateurs pour le Canada au troisième trimestre de 2020 indiquaient qu’ils souhaiteraient passer à une plus grande maison ou une maison unifamiliale, en raison de la pandémie. La vigueur de la reprise sur le marché de l’habitation, combinée à une offre limitée sur le marché de la revente, a mené à une augmentation rapide des prix des maisons dans certains marchés. Contrairement à ce qui a été observé à Toronto et à Vancouver en 2016, l’augmentation des prix des maisons a cette fois été plus marquée dans des marchés où les ratios prêts-revenus sont modérés, comme Ottawa, Montréal et Halifax.
Les taux d’intérêt resteront bas dans l’avenir prévisible. L’évolution de la pandémie déterminera en bonne partie la croissance de l’économie et l’action du gouvernement. Les spécialistes indiquent que la seconde vague durera une bonne partie de l’hiver, et qu’un vaccin ne sera largement disponible au mieux qu’au cours de 2021. Aussi pénible que soit la situation, le Canada contient plus efficacement le virus que ne le font les États-Unis, le Royaume-Uni et les pays de la zone euro. La production restera probablement partout sous les niveaux d’avant la pandémie jusqu’à la fin de 2022, qui est l’horizon prévisionnel de la Banque du Canada.