Publié par Sherry Cooper
La Banque du Canada maintient les taux, mais réduit ses achats d’obligations.
La Banque du Canada réduit son rachat d’obligations
La Banque du Canada a annoncé aujourd’hui qu’elle maintient le taux cible du financement à un jour à sa valeur plancher de ¼ %. La Banque rajuste aussi son programme d’achat d’actions : elle passera d’achats nets d’obligations du gouvernement du Canada pour 4 milliards de dollars par semaine à 3 milliards de dollars. Cet ajustement du montant qui s’ajoute, chaque semaine, pour stimuler l’économie tient compte des progrès en cours vers la reprise économique.
Enfin, la Banque semble maintenant estimer que la capacité excédentaire restant dans l’économie pourrait être pleinement absorbée d’ici le deuxième semestre de 2002 – plutôt que de 2003, et elle pourrait commencer à augmenter les taux d’intérêt à un jour avant la fin de l’année prochaine. La Banque a aussi indiqué que le moment précis où ces évolutions se produiront est cependant encore plus incertain que d’habitude, du fait de l’incertitude qui pèse sur la production potentielle et des conséquences très inégales de la pandémie.
La Banque du Canada croit maintenant que la croissance du premier trimestre au Canada est beaucoup plus vigoureuse qu’elle ne le prévoyait dans son Rapport sur la politique monétaire (RPM) de janvier. C’est en partie dû au contexte plus favorable à l’échelle mondiale, surtout aux États-Unis. La reprise américaine est soutenue par une vaccination rapide et des mesures de relance budgétaire substantielles qui ont des retombées bénéfiques au Canada, puisqu’elles font augmenter la demande d’exportations et les prix des produits de base.
« Cependant, selon la Banque, le facteur le plus important qui explique la vigueur économique inattendue a été la résilience et la capacité d’adaptation des entreprises et des ménages canadiens. L’économie a beaucoup moins souffert des confinements durant la deuxième vague que pendant la première. Elle a rebondi rapidement, à mesure que les restrictions étaient allégées, et on a vu de solides gains sur le marché de l’emploi en février et en mars. La troisième vague porte un nouveau coup dur et on peut s’attendre à ce qu’une partie des emplois créés soient perdus. Toutefois, la tenue de l’économie ces derniers mois a renforcé notre confiance dans la robustesse fondamentale de la reprise.
« Comme la vaccination avance, nous nous attendons à une forte croissance tirée par la consommation durant la seconde moitié de l’année. Les mesures de relance budgétaire adoptées par les gouvernements fédéral et provinciaux contribueront aussi de manière importante à l’expansion. La croissance solide de la demande étrangère et les prix plus élevés des produits de base devraient provoquer un net rebond des exportations et des investissements des entreprises. Cela donnerait lieu à une reprise plus généralisée. Globalement, nous nous attendons maintenant à ce que l’économie croisse d’environ 6½ % cette année, pour ensuite ralentir et progresser d’à peu près 3¾ % en 2022 et 3¼ % en 2023.
« Au cours des prochains mois, l’inflation devrait monter temporairement autour de la limite supérieure de la fourchette cible de maîtrise de l’inflation, qui va de 1 à 3 %. » Ce mouvement est largement attribuable à ce qui s’est produit dans l’année de référence : l’augmentation de l’IPC depuis un an est plus grande parce que les prix de certains biens et services avaient chuté au début de la pandémie. En outre, le renchérissement du pétrole depuis décembre a fait passer les prix de l’essence au‑dessus de leur niveau d’avant la pandémie. La Banque prévoit que l’inflation de l’IPC reviendra vers 2 % au deuxième trimestre de 2021, à mesure que les effets de l’année de référence s’atténuent, puis qu’elle baissera encore, en raison de la capacité excédentaire. Quand ces capacités excédentaires vont se résorber, au cours de la deuxième moitié de 2022, l’inflation devrait retourner à 2 % de manière durable.
La Banque du Canada doit calmer le jeu
Au début de la pandémie, la Banque du Canada a acheté des titres du gouvernement et ainsi fourni des liquidités pour assurer le bon fonctionnement du marché. À mesure que les conditions de liquidité s’amélioraient sur le marché des obligations du gouvernement du Canada, la détente monétaire est devenue le principal objectif des achats d’obligations par la banque centrale. Les achats d’obligations dans le cadre du programme d’assouplissement quantitatif continuent d’exercer des pressions à la baisse sur les taux d’emprunt, ce qui favorise l’activité économique. De plus, l’assouplissement quantitatif renforce la détente monétaire qui découle des indications prospectives de la Banque. La Banque s’est engagée à maintenir le taux directeur (le taux à un jour) à sa valeur plancher jusqu’à ce que les capacités excédentaires de l’économie se résorbent, pour que la cible d’inflation soit atteinte de manière durable.
La proportion de l’encours total de ces titres détenus par la Banque a augmenté et s’élève maintenant à environ 42 %. Depuis mars 2020, la Banque a acheté plus de 35 % de l’encours total des obligations d’État, soit un pourcentage plus élevé que d’autres banques centrales (voir le graphique ci-dessous). Le degré de détente monétaire qu’elle a procuré est donc exceptionnel, compte tenu de la taille du marché obligataire et de l’économie du pays. La Banque du Canada doit continuer de réduire ses achats pour qu’il y ait suffisamment de titres du gouvernement du Canada pour les investisseurs institutionnels de long terme – comme les compagnies d’assurance et les caisses de retraite – qui ont besoin de titres AAA pour compenser leur passif à long terme.
Évaluation du marché du logement par la Banque du Canada
Dans le RPM d’aujourd’hui, la Banque présente une évaluation des moteurs de la vigueur du marché canadien du logement.
- La demande a été soutenue par un revenu disponible relativement élevé et la faiblesse des taux hypothécaires.
- Les pertes d’emploi ont augmenté durant la pandémie, mais elles ont surtout concerné les travailleurs faiblement rémunérés, qui ont plus tendance à être locataires que propriétaires.
- Le télétravail et le fait qu’on passe plus de temps chez soi ont contribué à renforcer la demande de maisons unifamiliales plus grandes et d’habitations situées dans les banlieues et les milieux ruraux.
- Ce déplacement de la demande entraîne notamment une hausse de la construction de logements neufs dans les régions où il y a moins de contraintes d’offre, comme une disponibilité limitée des terrains.
- Au cours de la dernière année, le rythme de la construction a été freiné par les mesures de confinement ainsi que les pénuries de matériaux et de travailleurs qualifiés. Ces facteurs exercent aussi des pressions à la hausse sur les coûts de construction.
- Certains vendeurs potentiels ont été réticents à faire visiter leur habitation en raison de la pandémie.
- Au fil du temps, l’offre devrait s’ajuster. Un grand nombre de permis de construire ont été délivrés, une part croissante visant des maisons unifamiliales. Les mises en chantier ont aussi enregistré une forte hausse depuis quelques mois, notamment dans les milieux ruraux.
La Banque continue de redouter que des prévisions extrapolatives mènent à surchauffe des prix et de l’activité spéculative (voir le graphique ci-dessous). Elle a bien accueilli les changements à la ligne directrice B-20 proposés par le Bureau du surintendant des institutions financières pour aider à réduire ces risques.
En somme
L’annonce de la Banque du Canada était importante, signalant un virage dans sa réflexion. Le pire de la pandémie est passé, l’économie a été remarquablement résiliente, et la Banque peut maintenant voir la lumière au bout du tunnel. La sortie du tunnel est maintenant prévue au deuxième trimestre de 2022 plutôt que de 2023. Même si le taux directeur restera à sa valeur plancher effective d’ici là, la banque centrale a déjà commencé à réduire ses achats d’obligations du gouvernement du Canada.
En partie, l’optimisme de la Banque reflète la vigueur comparative de l’économie américaine, qui devance nettement le Canada en matière de vaccination*. Les exportations canadiennes en profitent largement. Les mesures de stimulation du budget fédéral de cette semaine apportent aussi de l’air à l’économie. Même si, selon les estimations, 425 000 personnes sont encore sous-employées et même si les mesures face à la troisième vague ainsi que la progression de la vaccination sont imprévisibles, la Banque est plus convaincue qu’elle ne l’a été depuis 13 mois que nous arriverons au plein emploi d’ici la fin de l’année prochaine.
*Au 20 avril, presque 25 % de la population américaine avait été pleinement vaccinée, et 39 % avait reçu au moins une dose. En comparaison, à la même date, seulement 2,5 % de la population était pleinement vaccinée, et 25,4 % avait reçu une dose.