Publié par Sherry Cooper
La Banque du Canada reste ferme.
La Banque du Canada reste ferme
La Banque du Canada a annoncé aujourd’hui qu’elle maintient le taux cible du financement à un jour à 5 %, comme on s’y attendait généralement. La banque centrale continue de normaliser son bilan par un resserrement quantitatif, réduisant son portefeuille d’obligations du gouvernement du Canada.
Le Rapport sur la politique monétaire (RPM) constate un ralentissement de la croissance économique à l’échelle mondiale, « la demande étant freinée par les hausses de taux passées des banques centrales et la forte montée récente des rendements obligataires mondiaux ». Les augmentations des rendements obligataires à plus long terme reflètent une croissance économique plus vigoureuse que prévu aux États-Unis, où on s’attend à non moins de 5 % au T3 quand les données seront publiées demain. Les rendements sur 10 ans ont grimpé à presque 5 % aux États-Unis, faisant hausser les taux hypothécaires fixes au Canada.
Les prix du pétrole dépassent l’hypothèse du RPM de juillet, et la guerre en Israël et à Gaza est une nouvelle source d’incertitude géopolitique.
Le Conseil de direction estime que les augmentations passées des taux d’intérêt freinent l’activité économique au Canada et allègent la pression sur les prix. « La consommation a été modeste, comme en témoigne la diminution de la demande de logements, de biens durables et de nombreux services. L’affaiblissement de la demande globale et l’augmentation des coûts d’emprunt pèsent sur les investissements des entreprises. La poussée démographique vient à la fois alléger les pénuries de travailleurs dans certains secteurs et soutenir la demande de logements et la consommation. La création d’emplois a été moins forte que l’augmentation de la population active récemment, et les postes vacants ont continué de diminuer. Toutefois, le marché du travail reste plutôt tendu, et des pressions continuent de s’exercer sur les salaires. En ce qui concerne l’économie en général, divers indicateurs donnent à penser que l’offre et la demande s’approchent maintenant du point d’équilibre. »
La croissance économique au Canada a été de 1 % en moyenne au cours de la dernière année, et la Banque prévoit qu’elle demeurera faible pendant encore un an, puis remontera vers la fin de 2024 et en 2025. La Banque ne prévoit pas de récession dans cette période. « Cette faiblesse [de la croissance] à court terme reflète l’effet grandissant des hausses de taux passées de même que le ralentissement de la demande étrangère. La remontée prévue par la suite sera entraînée par les dépenses des ménages ainsi que par un raffermissement des exportations et des investissements des entreprises dû à l’amélioration de la demande étrangère. Une part notable de la croissance devrait être attribuable aux dépenses des gouvernements sur la période de projection. Dans l’ensemble, la Banque s’attend à ce que l’économie canadienne affiche un taux d’expansion de 1,2 % cette année, de 0,9 % en 2024 et de 2,5 % en 2025. »
La Banque centrale a souligné la volatilité de l’inflation de l’IPC ces derniers mois : 2,8 % en juin, 4,0 % en août et 3,8 % en septembre. « Les taux d’intérêt plus élevés modèrent la progression des prix de nombreux biens généralement achetés à crédit, et on commence à faire le même constat du côté des services. La hausse des prix des aliments ralentit, après avoir maintenu un rythme très élevé. Par contre, en plus des intérêts hypothécaires élevés, les loyers et autres frais de logement affichent encore un fort taux d’augmentation. Les attentes d’inflation à court terme et les pratiques d’établissement des prix des entreprises ne se normalisent que lentement, et la croissance des salaires reste autour de 4 à 5 %. Quant aux mesures de l’inflation fondamentale privilégiées par la Banque, elles montrent très peu d’amélioration. »
Selon le RPM d’aujourd’hui, l’IPC devrait augmenter en moyenne de 3,5 % jusqu’au milieu de l’année prochaine, avant de baisser graduellement jusqu’au niveau cible de 2 % en 2025. « Ce retour à la cible coïncide essentiellement avec celui projeté en juillet, sauf qu’on s’attend maintenant à ce que l’inflation reste plus élevée à court terme en raison de la hausse des prix de l’énergie et de la persistance de la forte inflation fondamentale. »
Le ton décisif du dernier paragraphe du communiqué d’aujourd’hui doit être souligné. La Banque ne souhaite pas faire augmenter les dépenses sensibles au taux d’intérêt, comme les achats de logements et de biens durables, en assurant les marchés que sa prochaine décision consistera à réduire les taux. Au lieu, a dit la Banque : « [le Conseil de direction est] préoccupé par la lenteur des progrès vers la stabilité des prix et par l’accroissement des risques inflationnistes, et est donc prêt à augmenter de nouveau le taux directeur si nécessaire. Le Conseil de direction veut voir l’inflation fondamentale sur une trajectoire à la baisse et il continue de surveiller de près l’équilibre entre l’offre et la demande, les attentes d’inflation, la croissance des salaires et les pratiques d’établissement des prix des entreprises. La Banque reste déterminée à rétablir la stabilité des prix pour les Canadiennes et les Canadiens. »
En somme
Il n’y a aucune surprise dans le rapport d’aujourd’hui. Le ralentissement de l’activité économique, depuis la fin de l’année passée, a radicalement réduit la demande excédentaire. L’écart de production – la différence entre la croissance réelle du PIB et sa croissance potentielle au plein emploi – est essentiellement résorbé. Les pressions de la demande se seraient ainsi atténuées. Selon les prévisions précédentes, l’écart de production serait résorbé au début de 2024.
La Banque doit s’inquiéter du fait que l’inflation reste supérieure à la cible de 2 % alors qu’à l’échelle mondiale, les risques de hausse de l’inflation augmentent. Parmi ces risques, figurent des attentes d’inflation élevées tant de la part des ménages que des entreprises, une augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes et des incertitudes géopolitiques, y compris du fait de la guerre Israël-Hamas.
Les augmentations des prix de l’énergie et des logements – pressions haussières sur l’inflation – « devraient être neutralisées partiellement par l’inflexion de la demande excédentaire, l’affaiblissement des pressions induites par les coûts des intrants et la décélération accrue de l’inflation dans le secteur des biens échangeables à l’international », dit la Banque.
« La présence persistante d’une offre excédentaire dans l’économie […] aide à tempérer les attentes d’inflation et incite les entreprises à revenir graduellement à des pratiques d’établissement des prix plus normales. »
Les ménages canadiens sont davantage endettés, en moyenne, que les ménages américains, et leurs prêts hypothécaires d’une durée plus courte se renouvellent plus rapidement. En conséquence, l’économie canadienne est plus sensible à des taux d’intérêt plus élevés, ce qui est une des raisons pour lesquelles la Banque du Canada a déclaré une pause des hausses en janvier, bien avant la Réserve fédérale américaine.
La banque centrale prendra sa prochaine décision le 6 décembre. D’ici là, il y aura deux rapports sur l’emploi, les données sur l’inflation en octobre et les chiffres du produit intérieur brut au troisième trimestre. Je m’attends à ce que la Banque laisse les taux tels quels dans les six à neuf mois à venir. Quand elle commencera enfin à assouplir la politique monétaire, elle le fera graduellement, ramenant le taux à un jour à environ 4 % à la fin de l’année prochaine.