Publié par Sherry Cooper
La Banque du Canada maintient les taux alors que l’incertitude tarifaire persiste.
La Banque du Canada maintient les taux alors que la tourmente tarifaire se prolonge
Comme prévu, la Banque du Canada a laissé son taux directeur inchangé à 2,75 % lors de sa réunion d’aujourd’hui. C’est la troisième fois de suite qu’elle le fait, après avoir décrété sept réductions dans la dernière année. Le Conseil de direction a noté que le caractère imprévisible de l’ampleur et de la durée des tarifs douaniers pose des risques de baisse de la croissance et de hausse des attentes d’inflation. Cela étant, la prudence s’impose quant à la poursuite de l’assouplissement monétaire.
Les négociations commerciales entre les deux pays sont en cours, et la politique commerciale américaine reste imprévisible.
Même si les droits de douane américains perturbent le commerce, l’économie canadienne montre une certaine résilience jusqu’à présent. Plusieurs enquêtes donnent à penser que la confiance des consommateurs et des entreprises est encore faible, mais s’est améliorée. Sur le marché du travail, on voit des pertes d’emploi dans les secteurs qui dépendent du commerce avec les États-Unis, mais l’emploi augmente dans d’autres secteurs de l’économie. Le taux de chômage a légèrement augmenté, à 6,9 %.
L’inflation est près de la cible de 2 % de la Banque du Canada, il reste des signes de pressions inflationnistes sous-jacentes. « Le retrait de la taxe sur le carbone a tiré vers le bas l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC), qui se situe juste en dessous de 2 %. Toutefois, une gamme d’indicateurs portent à croire que l’inflation sous-jacente est passée d’environ 2 % durant la seconde moitié de 2024 à autour de 2½ % plus récemment. Cela témoigne en grande partie d’une hausse des prix des biens non énergétiques. L’augmentation des frais de logement demeure le facteur qui contribue le plus à l’inflation mesurée par l’IPC, mais elle continue de ralentir. Nos enquêtes indiquent que les attentes d’inflation des entreprises sont redescendues après avoir augmenté au premier trimestre, alors que celles des consommateurs n’ont pas baissé. »
La Banque a affirmé aujourd’hui qu’il y a des raisons de penser que la récente augmentation de l’inflation sous-jacente se dissipera progressivement. Le dollar canadien s’est apprécié, ce qui réduit les coûts d’importation. La croissance des coûts unitaires de main-d’œuvre s’est modérée et l’économie est en situation d’offre excédentaire. En même temps, les droits de douane imposent de nouveaux coûts directs, qui seront graduellement répercutés sur les consommateurs. Dans le scénario tarifaire actuel, les pressions à la hausse et à la baisse se font plus ou moins contrepoids, faisant que l’inflation reste près de 2 %.
La banque centrale a examiné d’autres scénarios possibles pour les perspectives économiques. Dans le scénario de désescalade, des droits de douane moins élevés améliorent la croissance et réduisent les pressions exercées par les coûts directs sur l’inflation. Dans le scénario d’escalade, des droits de douane plus élevés affaiblissent l’économie et accroissent les pressions des coûts directs.
Jusqu’à présent, les conséquences économiques mondiales de la politique commerciale des États-Unis ont été moins néfastes qu’on le craignait. Les droits de douane américains ont perturbé le commerce dans les grandes économies et cela ralentit l’expansion à l’échelle mondiale, mais moins que de nombreux observateurs s’y attendaient. Même si la croissance américaine semble se modérer, le marché du travail est resté solide. En Chine, la baisse des exportations vers les États-Unis a été en grande partie compensée par une hausse des exportations vers d’autres pays.
Le Canada a affiché une croissance robuste au premier trimestre de 2025, surtout parce que les entreprises ont devancé leurs commandes en anticipation de l’entrée en vigueur des droits de douane. Au deuxième trimestre, l’économie semble s’être contractée, les exportations vers les États-Unis ayant nettement chuté en raison du ralentissement qui a suivi le devancement des achats et des droits de douane qui ont freiné la demande américaine.
L’écart entre les 2,75 % du taux directeur au Canada et les 4,25 à 4,50 % du taux américain prend des proportions historiques. Une autre cause d’incertitude est la politique budgétaire face aux défis économiques d’aujourd’hui. Le « One Big Beautiful Bill » a été adopté, et il ajoutera quelque 4000 milliards de dollars américains au déficit déjà vertigineux du gouvernement fédéral américain. En conséquence, les rendements des obligations à plus long terme ont grimpé jusqu’à présent cette année, raidissant la courbe de rendement.
Le ralentissement du secteur de l’habitation depuis l’entrée en fonction de Donald Trump a été un frein important pour l’économie. L’édition de juillet du Rapport sur la politique monétaire (RPM) note que : « La croissance de l’investissement résidentiel se raffermit dans la deuxième moitié de 2025, notamment en raison d’une augmentation des reventes après leur chute du premier semestre. La croissance de l’investissement résidentiel est modérée en 2026 et 2027, soutenue par une dissipation de l’incertitude commerciale et une hausse des revenus des ménages. »
En somme
Nous prévoyons que l’économie canadienne connaîtra un léger recul au T2 (-0,8 %) et au T3 (-0,3 %), ramenant la croissance pour l’année à 1,2 %. Le Conseil de direction de la Banque du Canada prendra sa prochaine décision le 17 septembre, ce qui laissera le temps d’évaluer les tendances sous-jacentes de l’inflation et l’effet des tarifs douaniers sur l’activité économique.
Si l’inflation ralentit les mois prochains et si l’économie ralentit aux T2 et T3 comme on s’y attend largement, la Banque réduira probablement le taux d’intérêt encore une fois cette année, ramenant le taux à un jour à 2,50 % – dans la plage neutre pour la politique monétaire. Les économistes de Bay Street ont des points de vue divers sur l’évolution des taux (voir le graphique ci-dessus). La Réserve fédérale américaine a laissé les taux tels quels aujourd’hui malgré l’énorme pression exercée par la Maison-Blanche, mais la Banque du Canada pourrait bien les réduire une fois de plus avant la fin de l’année.