Publié par Sherry Cooper
Tiff Macklem affirme que l’économie canadienne a surchauffé.
La lettre d’opinion de Tiff Macklem (caractères gras ajoutés)
Commentaire publié dans le National Post le 16 août 2022
L’inflation a baissé légèrement au Canada, mais elle reste bien trop élevée. Après avoir grimpé rapidement jusqu’à atteindre 8,1 % en juin, l’inflation mesurée par l’Indice des prix à la consommation(IPC) était à 7,6 % en juillet.
La bonne nouvelle, c’est qu’il semble que l’inflation aurait dépassé son sommet. Le prix de l’essence, qui a contribué environ le cinquième de l’inflation globale ces derniers mois, a baissé de 2,07 $ le litre en moyenne en juin à 1,88 $ en juillet. Et nous savons que les prix à la pompe ont encore baissé jusqu’à présent en août. Les prix de certains produits de base agricoles, comme le blé, ont aussi fléchi, et les coûts d’expédition ont redescendu depuis leurs niveaux exceptionnellement élevés. Si ces tendances se maintiennent, l’inflation continuera de s’alléger.
La mauvaise nouvelle, c’est que l’inflation restera probablement trop élevée pendant un certain temps. Bon nombre des facteurs mondiaux qui ont fait grimper l’inflation ne disparaîtront pas assez vite : les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, les tensions géopolitiques et la volatilité du cours des produits de base. Ici au pays, notre économie a surchauffé. Comme les Canadiens profitent finalement d’une économie pleinement relancée, ils veulent acheter davantage de biens et de services que notre économie ne peut en produire. Les entreprises peinent à répondre à la demande, ce qui mène à un allongement des délais et à des prix majorés. Le résultat en est une inflation généralisée. Même si elle a baissé légèrement en juillet, les prix de plus de la moitié des biens et services entrant dans le panier de l’IPC augmentent de plus de 5 %.
En tant que banque centrale, il nous incombe de maîtriser l’inflation, ce qui signifie que nous devons calmer le jeu. Voilà pourquoi nous augmentons les taux d’intérêt depuis mars. En juillet, nous avons pris la décision inhabituelle d’augmenter le taux directeur d’un plein point de pourcentage, à 2,5 %. Augmenter notre taux directeur rehausse les coûts d’emprunt dans toute l’économie – que ce soit pour des prêts personnels, des prêts automobiles ou des prêts hypothécaires. Quand nous augmentons le coût d’emprunt, les consommateurs ont tendance à emprunter et dépenser moins, et à économiser plus. Nous devons ralentir les dépenses pour donner le temps à l’offre de rattraper la demande et ainsi apaiser l’inflation.
Un domaine de l’économie où on voit bien cet effet est le marché de l’habitation. Les coûts hypothécaires ayant monté, l’activité sur le marché de l’habitation a ralenti rapidement, après une période de croissance insoutenable pendant la pandémie, et les prix des maisons se modèrent. Avec le ralentissement dans l’habitation, les dépenses pour les biens et services connexes, comme les rénovations, les électroménagers et les meubles, devraient aussi ralentir.
Pour mater l’inflation, nous devons faire en sorte que la demande globale de l’économie soit mieux équilibrée par rapport à l’offre. Notre but est de calmer l’économie suffisamment pour ramener l’inflation à la cible de 2 %. Nous ne voulons pas étouffer la demande, mais seulement ralentir sa croissance. C’est ce que nous appelons un atterrissage en douceur. En agissant décisivement pour augmenter les taux d’intérêt maintenant, nous tentons d’éviter la nécessité de taux d’intérêt encore plus élevés et d’un ralentissement plus prononcé plus tard.
Je sais que certains Canadiens se posent la question : « Pourquoi augmentez-vous le coût d’emprunt alors que le coût de tout est déjà trop élevé? »
Nous savons que pour de nombreux Canadiens, des taux d’intérêt plus élevés s’ajouteront aux difficultés que leur causent déjà la forte inflation. Cependant, c’est en augmentant le coût d’emprunt à court terme que nous ferons baisser l’inflation sur le long terme. En fin de compte, ce sera mieux pour tous, car une inflation élevée nuit à tous. Elle gruge notre pouvoir d’achat et elle fait qu’il est difficile de planifier nos dépenses et nos économies. Elle semble injuste, ce qui mine notre confiance dans notre économie.
La meilleure façon de protéger les gens d’une inflation élevée est de l’éliminer. C’est notre travail et nous sommes résolus à le faire. Les données de mardi sur l’inflation apportent un peu de soulagement, mais il faudra malheureusement encore du temps avant que l’inflation ne revienne à la normale. Nous savons que notre travail n’est pas terminé. Il ne le sera pas avant que l’inflation soit ramenée à la cible de 2 %.
Tiff Macklem est le gouverneur de la Banque du Canada
En somme
J’ai publié le texte intégral de la déclaration de Tiff Macklem par souci d’équité. À vous de juger si vous croyez que le taux à un jour montera de 50 points de base ou de 75 le 7 septembre, mais il ne fait pas de doute qu’il montera. Il est aussi évident que la Banque du Canada ne réduira pas le taux directeur avant que l’inflation ne soit à la cible de 2 %. Ne présumez donc pas que les taux hypothécaires variables baisseront rapidement à la suite d’un ralentissement de l’économie. Le fait que la Banque insiste sur le ralentissement dans l’habitation comme précurseur essentiel de la réduction de l’activité économique dans son ensemble laisse entrevoir une période prolongée de restriction du crédit.
Nous sommes à un point tournant de l’économie. C’est la fin de 40 ans d’un marché obligataire haussier déclenché par les forces désinflationnistes de la mondialisation, la main-d’œuvre bon marché de pays émergents et les progrès technologiques rapides. C’est aussi la fin du crédit à très faible intérêt. Le bilan financier des ménages en souffrira. Ceux qui ont emprunté récemment aux taux hypothécaires historiquement bas des deux dernières années à partir de mars 2020 devront avec le temps composer avec des coûts d’emprunt majorés limitant leurs dépenses discrétionnaires. L’inflation redescendra ainsi à la cible de 2 %, mais il faudra du temps.