Publié par Sherry Cooper
PIB canadien plus fort que prévu au premier trimestre; la Banque du Canada pourrait hausser les taux.
De bonnes nouvelles, mais pas pour la Banque du Canada
L’économie canadienne continue de se montrer résiliente face aux taux d’intérêt majorés. Selon les données publiées ce matin par Statistique Canada, le PIB réel a progressé à un taux annuel de 3,1 % au premier trimestre de cette année, soit plus que les prévisions du consensus. L’estimation de la croissance en avril est aussi ferme, ce qui laisse entrevoir une vigueur continue au T2. La combinaison d’une grève dans le secteur public et des feux de forêt en Alberta n’ont guère infléchi la tendance.
La croissance au premier trimestre a bénéficié de la force du commerce international et des dépenses des ménages. Ces facteurs ont été un peu atténués par un ralentissement de l’accumulation des stocks ainsi qu’une baisse dans la construction domiciliaire et dans les investissements des entreprises en machines et matériel.
Après deux trimestres de croissance minimale, les dépenses des ménages ont augmenté pour les biens (+1,5 %) et pour les services (+1,3 %) au premier trimestre de 2023. Les dépenses en biens durables (+3,3 %) ont été portées par les véhicules automobiles, y compris les nouveaux camions, fourgonnettes et véhicules utilitaires sport neufs (+7,8 %). Les dépenses en bien semi-durables (+4,3 %) l’ont été par les vêtements (+4,5 %). Quant aux dépenses en biens non durables (-0,2 %), elles ont diminué légèrement.
Les dépenses en services ont augmenté au premier trimestre de 2023, et ce sont les services de repas et boissons non alcoolisées (+4,4 %) et les services de boissons alcoolisées (+6,5 %) qui ont affiché les plus fortes hausses. Parallèlement, une croissance a été enregistrée au chapitre des voyages, les dépenses des Canadiens à l’étranger ayant progressé de 6,8 % au premier trimestre, alors qu’elles avaient fléchi de 3,3 % au trimestre précédent.
Ces données ne donnent pas à croire que les ménages souffrent excessivement d’une hausse des paiements sur les prêts hypothécaires et sur les comptes de cartes de crédit.
En marge de la hausse des coûts d’emprunt et de la baisse des emprunts hypothécaires, les investissements en logement ont reculé de 3,9 % au premier trimestre de 2023, affichant ainsi leur quatrième baisse trimestrielle consécutive. Le repli des investissements était généralisé : la construction neuve (-6,0 %), les rénovations (-2,1 %) et les coûts de transfert de propriété (-1,5 %), lesquels représentent l’activité de revente, ont tous affiché des baisses.
Nous savons que l’activité dans le secteur du logement a nettement accéléré depuis le premier trimestre, ce qui profitera certainement à la croissance au T2. Autre facteur expansionniste, la rémunération des travailleurs continue d’augmenter, en particulier dans les secteurs des services professionnels et personnels, de la fabrication et de la construction.
En revanche, les taux d’épargne et le revenu disponible des ménages sont en baisse. La persistance des taux d’intérêt élevés a eu un effet surtout négatif sur le revenu net de la propriété, la croissance du revenu tiré d’intérêts (+6,4 %), principalement sous forme de dépôts, n’ayant pas suivi le rythme de l’augmentation des paiements d’intérêts sur la dette hypothécaire (+14,7 %) et sur le crédit à la consommation (+10,9 %).
Alors que le revenu disponible des ménages a diminué au premier trimestre de 2023, les dépenses à la consommation (en termes nominaux) ont augmenté de 2,1 %. Ce rythme de croissance est plus prononcé que celui de 1,4 % enregistré au quatrième trimestre de 2022, en partie du fait des pressions inflationnistes. Conséquence, le taux d’épargne des ménages s’est établi à 2,9 % au premier trimestre de 2023, en baisse par rapport au taux de 5,8 % observé à la fin de 2022. Le taux d’épargne des ménages s’est ainsi rapproché de son niveau prépandémie; il se situait à 2,1 % en moyenne en 2019.
Les revenus d’entreprise ont nettement faibli au T1. À en juger d’après le marché boursier, les bénéfices des sociétés ont aussi déçu dans un éventail de secteurs au T2.
En somme
La vigueur des données d’aujourd’hui et l’inflation plus élevée que prévu en avril incitera la Banque du Canada à envisager sérieusement une hausse de 25 points de base du taux à un jour, pour le porter à 4,75 %, lors de sa réunion de la semaine prochaine. Je crois qu’elle attendra de voir les données de mai sur l’emploi et l’inflation avant d’en décider.
Les marchés ont déjà réagi aux plus récentes données. Les taux d’intérêt à court terme restent bien au-delà des niveaux du début de l’année, bien que ce soit surtout attribuable au problème du plafonnement de la dette aux États-Unis. La Banque adoptera certainement une attitude décisive.