Publié par Sherry Cooper
L’inflation au Canada atteint son plus haut niveau en deux décennies.
L’inflation annuelle grimpe à 3,7 % au Canada – Un nouvel enjeu électoral
Selon le plus récent communiqué de Statistique Canada, l’indice des prix à la consommation a grimpé à 3,7 % d’une année à l’autre en juillet, contre 3,1 % en juin. C’est le quatrième mois consécutif où l’inflation dépasse la plage de 1 % à 3 % voulue par la Banque du Canada. Une élection ayant été déclenchée, les partis d’opposition en ont immédiatement tiré des munitions. Le chef conservateur Erin O’Toole a déclaré que « les chiffres dévoilés aujourd’hui indiquent clairement que sous la gouverne de Justin Trudeau, les Canadiens subissent une crise du coût de la vie ». Il estime du reste que le gouvernement fédéral alimente l’inflation avec ses programmes de dépenses gouvernementales financées par l’emprunt.
Il est vrai que les dépenses déficitaires ont flambé pendant la pandémie, mais il en est de même dans presque tous les pays du monde. Par ailleurs, l’accélération de l’inflation est un phénomène mondial, et la plupart des banques centrales pensent qu’elle est temporaire. Telle est certainement la conviction du gouverneur de la Banque du Canada Tiff Macklem ainsi que du président de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell.
Les perturbations de l’offre et des effets de base expliquent largement la hausse de l’inflation. Par exemple, la production de semi-conducteurs a chuté pendant les confinements de 2020, et n’a pas pu être rétablie assez vite lorsque la demande d’autos et de produits électroniques a repris. Conséquence, les prix des autos neuves et usagées ont augmenté à un taux record. Les prix des billets d’avion et des séjours à l’hôtel ont aussi bondi. Les entreprises s’étant trouvées à court de main-d’œuvre lorsqu’elles ont rouvert, certaines ont offert des primes ou des augmentations de salaire, et augmenté leurs prix en conséquence.
Les banques centrales croient que les pressions sur les prix sont transitoires, représentant des chocs temporaires liés à la réouverture de l’économie. Les prix du bois, par exemple, ont flambé lorsque la demande de nouvelles maisons s’est rétablie, puis sont revenus vers la normale (voir le graphique ci-dessous). Il reste que l’inflation supérieure au taux cible a augmenté l’incertitude. Les banques centrales ne veulent pas étouffer la relance économique par suite de craintes injustifiées face à l’inflation. De nombreux Canadiens sont encore sans travail, et le chômage de longue durée reste très élevé. En outre, la propagation récente du variant Delta prouve que la reprise est incertaine.
Le gouverneur de la Banque du Canada Tiff Macklem prévoyait récemment que l’inflation grimperait jusqu’à 3,9 % au troisième trimestre, puis s’atténuerait à la fin de l’année. Il a mis en garde contre une réaction excessive à une hausse « temporaire ».
Les prix du logement augmentent le plus vite
Les prix ont augmenté plus rapidement d’une année à l’autre dans six des huit composantes principales de l’inflation canadienne en juillet, et les prix du logement ont contribué le plus à la hausse de l’indice d’ensemble. À l’inverse, les prix des vêtements et chaussures et des boissons alcoolisées, des produits du tabac et du cannabis récréatif ont diminué d’une année à l’autre en juillet, comparativement à juin. D’une année à l’autre, les prix de l’essence ont augmenté dans une moins grande mesure en juillet (+30,9 %) qu’en juin (+32,0 %). Un effet de glissement annuel a continué d’avoir une incidence sur l’indice des prix de l’essence puisque les prix avaient augmenté de 4,4 % d’un mois à l’autre en juillet 2020, au moment où un grand nombre d’entreprises avaient repris leurs activités et où de nombreux services étaient à nouveau offerts.
En juillet 2021, les prix de l’essence ont augmenté de 3,5 % d’un mois à l’autre, la production de pétrole par l’OPEP+ (Organisation des pays exportateurs de pétrole plus) étant restée inférieure à celle observée avant la pandémie alors que la demande mondiale a augmenté.
L’indice du coût de remplacement par le propriétaire, qui est lié au prix des logements neufs, a continué sa tendance à la hausse; il a augmenté de 13,8 % d’une année à l’autre en juillet, ce qui représente la croissance annuelle la plus forte depuis octobre 1987.
Parallèlement, l’indice des autres dépenses pour le logement en propriété, qui comprend les frais de commission liés à la vente de biens immobiliers, a augmenté de 13,4 % d’une année à l’autre en juillet.
Le rythme de croissance d’une année à l’autre des prix des biens a été plus rapide en juillet (+5,0 %) qu’en juin (+4,5 %). Les prix des biens durables (+5,0 %) ont affiché le rythme de croissance le plus rapide. L’indice des prix d’achat de véhicules automobiles a contribué le plus à la hausse; il a progressé de 5,5 % d’une année à l’autre en juillet. La croissance est en partie attribuable à la pénurie mondiale de puces à semi-conducteur.
Les prix des meubles rembourrés ont augmenté de 13,4 % d’une année à l’autre en juillet, en grande partie en raison de la baisse de l’offre et de la hausse des coûts des intrants.
Mesures de l’inflation fondamentale
La moyenne des mesures de l’inflation fondamentale, un meilleur indicateur des pressions sous-jacentes sur les prix, a atteint 2,47 % en juillet, le plus haut niveau depuis 2009.
Sur une base mensuelle, les prix ont augmenté de 0,6 %, alors que le consensus prévoyait 0,3 %. La hausse des coûts de la propriété d’une maison est un des principaux facteurs du taux d’inflation majoré, les prix immobiliers ayant connu une forte progression depuis un an.
En somme
Les nouvelles données sur l’inflation n’auront sans doute guère d’effet sur l’opinion de la Banque du Canada que le dépassement de la cible pour l’inflation sera un phénomène transitoire. Elle devance déjà la plupart des banques centrales en atténuant la stimulation engendrée par l’assouplissement quantitatif. Elle ne prévoit pas commencer à augmenter les taux d’intérêt avant le retour au plein emploi, qu’elle estime devoir se produire au deuxième semestre de 2022. Entre-temps, la demande refoulée est énorme au Canada. Les consommateurs profitent des économies qu’ils ont accumulées involontairement pendant le confinement pour payer des prix haussés au restaurant, à l’épicerie et à la station-service. Les marchés financiers semblent optimistes quant à la perspective de hausses de taux, les rendements des obligations étant restés dans une plage très étroite.