Publié par Sherry Cooper
Les ventes de maisons de décembre couronnent une année record.
L’abordabilité des maisons continue de s’éroder, avec une offre au plus bas
L’abordabilité des maisons reste un énorme problème politique et, alors que le ministère des Finances prépare un budget, il mettra certainement de l’avant des mesures visant à réduire les prix. Ce qui est surtout nécessaire est une augmentation radicale de la construction de logements, qui a été lamentablement limitée par des questions de zonage local et d’urbanisme. Ces questions ne relèvent pas du gouvernement fédéral. Par conséquent, c’est certainement des mesures palliatives, qui ne règlent pas le problème de fond de la pénurie de logements, qu’il faut attendre. Nous y reviendrons plus loin.
Selon les statistiques que vient de publier l’Association canadienne de l’immeuble (ACI), la revente de maisons a augmenté légèrement en décembre 2021 par rapport au mois précédent, malgré une offre limitée. La demande excédentaire a fait monter les prix de 2,5 % pour le mois, faisant grimper l’indice des prix de 26,6 % d’une année à l’autre – un nouveau record.
Les légères augmentations des ventes de novembre et décembre font suite à une poussée de 9 % en octobre. Ainsi, les ventes du dernier trimestre de 2021 se situent entre les sommets et les creux vus plutôt dans l’année (voir le graphique ci-dessous). À l’exception des hausses de ventes d’un mois à l’autre enregistrées à Calgary et dans la vallée du Fraser, la plupart des autres grands marchés ont suivi la tendance nationale, enregistrant peu de variation entre novembre et décembre. Le nombre de transactions réelles (non désaisonnalisé) en décembre 2021 a été inférieur de 9,9 % au record établi en 2020 pour ce mois. Il s’agit tout de même du deuxième sommet le plus élevé jamais enregistré durant ce mois, ce qui correspond à la tendance observée tout au long du second semestre de 2021.
En 2021, 666 995 propriétés résidentielles ont changé de main sur les systèmes MLS® canadiens. Ce chiffre est un nouveau record, qui dépasse d’un peu plus de 20 % le record annuel précédent, établi en 2020, et de 30 % la moyenne des 10 dernières années.
Nouvelles inscriptions
En décembre, le nombre de nouvelles inscriptions a baissé de 3,2 % par rapport à novembre. Des baisses dans le Grand Vancouver, à Montréal et dans plusieurs autres régions du Québec ont plus que compensé la hausse de l’offre dans le Grand Toronto.
Compte tenu de la quasi-stagnation des ventes et de la baisse du nombre de nouvelles inscriptions en décembre, le ratio des ventes par rapport aux nouvelles inscriptions s’est resserré pour s’établir à 79,7 % comparativement à 77,0 % en novembre. Notons que la moyenne à long terme est de 54,9 %.
Environ les deux tiers des marchés locaux étaient favorables aux propriétaires-vendeurs, le ratio des ventes par rapport aux nouvelles inscriptions étant supérieur de plus d’un écart type par rapport à sa moyenne à long terme en décembre 2021. Le tiers restant des marchés locaux étaient en équilibre.
On comptait 1,6 mois d’inventaire à l’échelle nationale à la fin décembre 2021, soit le niveau le plus bas jamais enregistré. La moyenne à long terme de cette mesure est d’un peu plus de 5 mois.
Prix des maisons
Les conditions du marché étant plus serrées que jamais, l’Indice des prix des propriétés MLS® (IPP MLS®) global et composé a augmenté de 2,5 % d’un mois à l’autre en décembre 2021.
L’IPP MLS® global et composé non désaisonnalisé a affiché une hausse record de 26,6 % d’une année à l’autre en décembre.
Selon les analyses nationales, en Colombie-Britannique, la croissance des prix d’une année à l’autre a de nouveau dépassé les 25 %; elle demeure toutefois plus faible à Vancouver, fidèle à la moyenne provinciale à Victoria, et plus élevée dans d’autres régions de la province.
L’augmentation d’une année à l’autre se situe entre 5 % et 10 % en Alberta et en Saskatchewan, et à environ 12 % au Manitoba.
L’Ontario a pour sa part enregistré une augmentation annuelle des prix de 30 % en décembre. La région du Grand Toronto continue de progresser après avoir accusé un retard sur la plupart des autres régions de la province pendant la majeure partie de la pandémie.
Dans le Grand Montréal, la croissance des prix d’une année à l’autre se maintient légèrement au-dessus de 20 %, tandis que Québec a enregistré une hausse d’environ 10 %.
Enfin, la croissance des prix d’une année à l’autre dépasse 30 % au Nouveau-Brunswick (davantage dans le Grand Moncton et moins à Fredericton et à Saint John), tandis qu’elle est de 11 % à Terre-Neuve-et-Labrador.
En somme – La question est politique
La Banque du Canada a récemment réalisé une étude sur les prêts hypothécaires émis depuis 2014 par les institutions financières sous réglementation fédérale. Le but consistait à déterminer la répartition et les caractéristiques financières des achats financés par un prêt hypothécaire, selon le type d’acheteur : accédants à la propriété; acheteurs déjà propriétaires; et investisseurs.
Les accédants à la propriété forment le plus grand groupe, comptant généralement pour environ la moitié des achats financés par un prêt hypothécaire depuis 2014. Les acheteurs déjà propriétaires (qui ont liquidé leur prêt hypothécaire précédent quand ils en ont contracté un nouveau) représentaient 31 % du total sur la même période. Les investisseurs ayant de multiples prêts hypothécaires représentent 19 % des achats depuis 2014. Les investisseurs ne prenant pas de prêt hypothécaire ne font pas partie de ces données, donc les investisseurs étrangers qui pourraient avoir emprunté des fonds à l’étranger ne sont pas inclus.
Le graphique indique que depuis 2015, la part des accédants à la propriété a baissé, de plus de 52 % à moins de 48 % de tous les achats financés par un prêt hypothécaire. La part des acheteurs déjà propriétaires a augmenté légèrement, et la part des investisseurs est passée de moins de 18 % à plus de 20 %. L’activité des investisseurs a augmenté principalement en 2017 et 2021.
La Banque du Canada en conclut que la présence accrue des investisseurs sur le marché du logement a augmenté la demande et « pourrait s’expliquer par la croyance que les prix des maisons continueront d’augmenter […] En exacerbant les cycles dits d’expansion et de contraction abruptes sur les marchés du logement, les investisseurs pourraient être une source d’instabilité pour le système financier et l’économie dans son ensemble. En même temps, les investisseurs constituent une source importante d’offre de logements locatifs. D’autres recherches sont nécessaires pour examiner l’équilibre délicat entre, d’une part, l’augmentation de l’offre locative et, d’autre part, la réduction de l’offre de nouvelles constructions et de logements existants, dans le contexte d’un marché du logement qui comporte déjà des contraintes d’offre. »
Selon un article du Financial Post du 12 janvier, le ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion, tout comme la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), s’inquiète de l’« investissement spéculatif » dans le logement, qui « incite des Canadiens à surenchérir et à emprunter plus qu’ils ne peuvent se le permettre, ce qui fait encore grimper les prix des maisons. »
« En élaborant des politiques pour limiter les profits excessifs réalisés dans les immeubles de placement tout en protégeant les petits propriétaires indépendants et en révisant les exigences relatives à la mise de fonds pour des immeubles de placement, nous ciblons les problèmes du marché de diverses façons. » Actuellement, les investisseurs doivent faire une mise de fonds de 20 %.
Il semble que le fédéral pourrait bien augmenter la mise de fonds minimum pour les prêts relatifs à un immeuble de placement. Il envisage aussi de limiter les sources de financement pour ces propriétés.
Ce qu’il faut au marché canadien de l’habitation, c’est une forte augmentation dans la construction de logements abordables. Le processus long et fastidieux de l’urbanisme et les règles de zonage des administrations locales y font obstacle. Les mesures prises pour réduire la demande de logements face à l’arrivée de presque un million d’immigrants au Canada en 2021 et 2021 risquent de plonger toute l’économie dans une récession, surtout quand la Banque du Canada est sur le point d’augmenter les taux d’intérêt. La richesse et la liquidité de millions de ménages canadiens sont liées à la maison, donc le gouvernement doit prendre soin de ne pas aller trop loin pour limiter la demande, surtout que les investissements dans les condos profitent aux marchés très serrés des logements locatifs.