Publié par Sherry Cooper
Les données de mai sur l’inflation sont bonnes, mais est-ce qu’elles satisferont la Banque du Canada?.
Est-ce que la baisse de l’inflation en mai sabordera une nouvelle hausse de taux en juillet?
Les données de mai sur l’inflation publiées ce matin par Statistique Canada n’apportent aucune surprise. L’inflation d’une année à l’autre mesurée par l’Indice des prix à la consommation (IPC) était à 3,4 %, comme on s’y attendait, un plein point de pourcentage sous le niveau d’avril. Il s’agit de la plus faible hausse depuis juin 2021. Les économistes avaient vu juste, sachant qu’en éliminant les chiffres d’avril 2022 du calcul annuel, l’inflation de mai serait sensiblement plus basse.
En mai l’année passée, l’inflation annuelle avait déjà grimpé à 7,7 %, principalement en raison de la hausse radicale des prix de l’énergie par suite de l’invasion russe de l’Ukraine. L’inflation a atteint un sommet de 8,1 % en juin 2022, de sorte que l’inflation devrait être faible aussi le mois prochain. C’est la raison pour laquelle la Banque du Canada prévoyait que l’inflation chuterait à 3 % cet été.
Ramener l’inflation à 3 % sera sans doute plus facile que de passer de 3 % à 2 %, parce que les progrès faciles ont déjà été réalisés. De nombreux prix de services sont bien plus tenaces que les prix de produits de base et de biens durables.
Le ralentissement de l’inflation en mai est principalement attribuable à la chute de 18,3 % sur un an des prix de l’essence, qui est un effet de l’année de référence. Sans l’essence, l’IPC a crû de 4,4 % en mai après avoir augmenté de 4,9 % en avril. Une baisse des prix du gaz naturel (-3,5 %) a aussi contribué à la décélération des prix de l’énergie.
La croissance des prix des biens durables d’une année à l’autre a ralenti en mai; les prix ont augmenté de 1,0 %, contre 2,2 % en avril. La hausse enregistrée en mai a été la plus faible depuis mai 2020 et a coïncidé avec l’atténuation des pressions exercées sur la chaîne d’approvisionnement comparativement à un an auparavant. Cela s’est traduit dans les prix des meubles (-2,9 %), lesquels ont enregistré la baisse la plus importante depuis juin 2020, ainsi que dans les prix des véhicules automobiles (+3,2 %), qui ont affiché l’augmentation la moins marquée depuis février 2021.
Les prix des produits d’épicerie demeurent élevés – en hausse de 9,0 % sur un an, un peu moins qu’en avril. La croissance d’une année à l’autre des prix des aliments achetés au restaurant s’est accélérée légèrement en mai (+6,8 %) par rapport à avril (+6,4 %), dans le contexte où une pénurie de main-d’œuvre ainsi que des dépenses et des coûts d’intrants importants persistent. Les données de Statistique Canada indiquent que le problème des postes vacants peut affecter de manière disproportionnée ces entreprises.
La hausse des taux d’intérêt contribue aussi à l’inflation. Les coûts hypothécaires représentent un peu plus de 3 % de l’IPC. Ils font partie de la composante la plus importante de l’IPC – le logement, qui en constitue presque 30 %. L’indice du coût de l’intérêt hypothécaire a augmenté de 29,9 % d’une année à l’autre en mai, après les 28,5 % d’avril. Il s’agit de la plus forte augmentation jamais vue, et ce pour un troisième mois consécutif, alors que les Canadiens ont continué de renouveler ou de contracter des prêts hypothécaires à des taux plus élevés. Et cela ne tient pas encore compte des effets de la hausse de juin du taux directeur.
Il faut du temps pour que le plein effet de hausses de taux d’intérêt se répercute dans l’IPC. Les coûts des intérêts hypothécaires continueront d’augmenter à mesure que les taux d’intérêt majorés s’appliqueront aux paiements des ménages lors du renouvellement des contrats. Les dépenses liées à l’achat de maisons ont augmenté également en mai, les prix de revente plus élevés augmentant les commissions des courtiers immobiliers.
En somme
Il y aura fort à faire pour atteindre l’objectif d’une inflation à 2 %. La Banque du Canada continue de s’inquiéter du fait que l’économie canadienne reste en surchauffe. Même si le chômage par rapport aux postes vacants a récemment commencé à augmenter, la Banque craint encore qu’une demande excédentaire exerce une pression haussière sur les prix. Tel est l’aspect cyclique de l’inflation – en corrélation inverse avec le taux de chômage. La Fed l’appelle l’inflation supercore, et elle comprend les services tels que coiffeur, soins personnels, garde d’enfants, repas au restaurant, voyages, hébergement, loisirs et divertissement.
Elle correspond à peu près à l’IPC tronqué (qui exclut les mouvements de prix extrêmes causés par des facteurs transitoires, comme des événements météorologiques), moins les prix des aliments, du logement et de l’énergie. Cette mesure a baissé moins que les autres mesures de l’inflation de base. L’inflation supercore est d’environ 5,5 % sur un an, contre 3,8 % pour l’IPC tronqué et 3,9 % pour l’IPC médian (voir le graphique ci-dessous).
Selon les tendances récentes des données annualisées sur trois mois, l’IPC était à 3,8 % en mai, après avoir été à 3,9 %, et l’IPC médian était à 3,6 %, contre 3,8 % en avril.
Voilà pourquoi la Banque du Canada attache tant d’importance aux données sur le marché du travail et les mesures globales des dépenses. Nous verrons deux rapports importants de Statistique Canada avant la décision du 12 juillet de la Banque du Canada : les données mensuelles sur le PIB le 30 juin, et l’Enquête sur la population active le 7 juillet. À moins qu’il s’y trouve le signe d’un fort ralentissement économique ou d’une hausse du chômage, la probabilité que la Banque du Canada décrète une nouvelle hausse des taux est d’environ 60 %.