Publié par Sherry Cooper
Le logement ressort comme thème majeur du budget fédéral.
Le logement abordable, un thème clé du budget fédéral 2022
Le budget présenté aujourd’hui annonce pour 10 milliards de dollars de propositions visant à réduire le coût du logement au Canada (voir l’encadré ci-dessous). Le problème fondamental est une offre insuffisante pour satisfaire à la demande d’une population en forte hausse. Du fait de la politique fédérale voulant augmenter rapidement l’immigration depuis 2015, la formation de ménages a augmenté bien plus vite que le nombre de maisons terminées, tant à louer qu’à acheter. La demande excédentaire a fait grimper les prix des maisons, au-delà de la portée des Canadiens à revenu moyen.
Les mesures annoncées dans le budget d’aujourd’hui pour augmenter la construction de logements, quoique bienvenues, paraissent timides. Le fédéral peut influencer la construction de logements à faible coût par l’entremise de la SCHL. Cependant, la construction domiciliaire est surtout du ressort des administrations municipales, avec leur lourdeur administrative, leurs restrictions de zonage et leurs délais. Le gouvernement fédéral a augmenté les fonds qui aideront les gouvernements locaux à s’attaquer à ces problèmes, mais le syndrome du « pas dans ma cour » continue de faire obstacle à la densification dans de nombreux quartiers.
L’annonce phare d’une interdiction de deux ans de l’investissement étranger dans les propriétés résidentielles peut paraître raisonnable. Pourtant, selon Phil Soper, président de Royal LePage : « L’effet sur les prix des maisons sera négligeable. Nous savons, d’après la période de la pandémie quand les prix ont grimpé pratiquement sans argent étranger, que notre problème est “fait au Canada”. »
M. Soper estime, comme le rapporte le Financial Post, que des mesures comme un compte d’épargne libre d’impôt aideraient les jeunes Canadiens à réaliser leur rêve d’acheter une maison dans un marché immobilier normal. Par contre, comme l’offre est faible et que les prix ont augmenté pendant la pandémie, de telles mesures ne peuvent qu’ajouter à la demande sans régler la question de l’offre. Du reste, seuls les acheteurs d’une première maison pourraient en profiter.
Une charte des droits des acheteurs de propriétés qui mettrait fin aux offres à l’aveugle et assurerait le droit à une inspection de la propriété et la transparence de l’historique des prix de vente dans les recherches de titres est aussi une bonne nouvelle.
L’Incitatif à l’achat d’une première propriété a été prolongé jusqu’en mars 2025. Ce programme a été un fiasco. Les acheteurs ne veulent pas partager l’avoir net de leur maison avec la SCHL. Le fédéral tente de le relancer, « [explorant] des options pour rendre le programme plus souple et mieux adapté aux besoins des acheteurs d’une première propriété, y compris les ménages monoparentaux ». Jusqu’à présent, les limites du programme l’ont rendu futile dans des marchés coûteux comme ceux de Toronto et de Vancouver.
Mesures du budget 2022 pour rendre les maisons plus abordablesCompte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une propriété
- Le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété offrirait aux éventuels acheteurs d’une première maison la possibilité d’épargner jusqu’à 40 000 $. Comme avec un REER, les cotisations seraient déductibles d’impôt, et les retraits pour l’achat d’une première maison, y compris le revenu de placement, seraient non imposables, comme c’est le cas pour le CELI.
Nouveau fonds pour accélérer la construction de logements
- Dans le but de créer au net 100 000 nouveaux logements, il y aurait 4 milliards de dollars sur cinq ans à partir de 2022-2023 pour lancer un nouveau fonds pour accélérer la construction de logements qui soit assez souple pour tenir compte des besoins et des réalités des villes et des communautés. Le programme pourrait offrir du soutien comme un incitatif annuel « par porte », ou un soutien initial pour les investissements dans les processus municipaux de planification et d’exécution des programmes de logement qui accéléreront la construction de logements.
Création de logements abordables
- Pour que des logements plus abordables puissent être construits rapidement, le budget 2022 propose de fournir 1,5 milliard de dollars sur deux ans, à compter de 2022-2023, pour prolonger l’Initiative pour la création rapide de logements. Ce nouveau financement devrait permettre de créer au moins 6000 nouveaux logements abordables, et au moins 25 % de ces fonds seront destinés à des projets de logements axés sur les femmes.
Incitatif à l’achat d’une première propriété prolongé et plus souple
- L’Incitatif à l’achat d’une première propriété – qui permet à l’acheteur d’une première maison d’abaisser ses coûts d’emprunt en partageant le coût d’achat d’une maison avec le gouvernement – est prolongé jusqu’au 31 mars 2025. Le fédéral explorera des options pour rendre le programme plus souple et mieux adapté aux besoins des acheteurs d’une première propriété, y compris les ménages monoparentaux.
Interdire l’investissement étranger dans le logement au Canada
- Des restrictions interdiraient aux entreprises commerciales étrangères et aux particuliers qui ne sont pas citoyens canadiens ou résidents permanents d’acquérir des propriétés résidentielles non récréatives au Canada pour une période de deux ans.
Faire payer leur juste part à ceux qui procèdent à la revente précipitée de propriétés
- Selon de nouvelles règles, à partir du 1er janvier 2023, toute personne qui vend un immeuble résidentiel qu’elle détient depuis moins de 12 mois serait assujettie à une imposition complète sur ses bénéfices à titre de revenu d’entreprise. Des exemptions s’appliqueraient pour les Canadiens qui vendent leur maison en raison de certaines circonstances de la vie, comme un décès, une invalidité, la naissance d’un enfant, un nouvel emploi ou un divorce.
Programmes de location avec option d’achat
- Un financement réservé de 200 millions de dollars, dans le cadre du Fonds d’innovation pour le logement abordable, appuiera les programmes de location avec option d’achat. Cette somme comprendra 100 millions de dollars pour soutenir les organismes à but non lucratif, les coopératives, les promoteurs et les sociétés qui construisent de nouveaux logements à louer avec option d’achat.
Charte des droits des acheteurs de propriété
- Un plan national visera à mettre fin aux offres à l’aveugle. La charte des droits des acheteurs de propriétés pourrait également comprendre, entre autres choses, l’assurance d’un droit légal à une inspection de la propriété et assurer la transparence de l’historique des prix de vente dans les recherches de titres.
Crédit d’impôt pour la rénovation d’habitations multigénérationnelles
- Il y aura jusqu’à 7500 $ pour la construction d’un logement secondaire pour une personne âgée ou un adulte en situation de handicap, à partir de 2023.
Doubler le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation
- Le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation sera doublé pour le porter à 10 000 $, fournissant jusqu’à 1500 $ en appui direct à l’acheteur d’une maison, pour une maison achetée le 1er janvier 2022 ou après.
Développement des coopératives d’habitation
- Un financement de 500 millions de dollars sera réaffecté à un nouveau programme de développement de coopératives d’habitation pour augmenter le nombre de coopératives d’habitation au Canada. De plus, 1 milliard de dollars de prêts supplémentaires seront réaffectés de l’Initiative Financement de la construction de logements locatifs afin d’appuyer les projets de coopératives d’habitation.
Il y a aussi une liste d’autres programmes pour créer des logements abordables à l’intention des Autochtones, des communautés du Nord et des Canadiens vulnérables. Il y aura des crédits d’impôt majorés pour les rénovations nécessaires afin de pouvoir partager un logement avec des aînés ou des parents handicapés et pour que les aînés puissent rendre leur maison plus accessible. En outre, des fonds sont prévus pour des efforts à long terme visant à mettre fin à l’itinérance.Pour lutter contre le blanchiment d’argent, le gouvernement dit qu’il étendra les exigences en matière de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes à toutes les entreprises qui consentent des prêts hypothécaires au Canada, au cours de la prochaine année.
Pour les initiatives de logements plus écologiques, le gouvernement prévoit 150 millions de dollars sur cinq ans à partir de cette année afin de favoriser une réforme du code du bâtiment qui mette l’accent sur la construction à faibles émissions de carbone, et 200 millions de dollars sur la même période pour de grands projets de rénovations.
En somme
Rien de ce que le gouvernement fédéral a fait dans le budget d’aujourd’hui ne changera grand-chose sur le marché de l’habitation. Ce qui entraînera un changement est la poussée des taux d’intérêts qui a déjà commencé. Les taux hypothécaires fixes sont à environ 4 %, et les taux variables ont entamé leur ascension. Il reste encore un écart inédit entre les deux, mais la Banque du Canada haussera sans doute le taux directeur de 50 points de base la semaine prochaine. Elle l’augmentera probablement encore à chacune de ses réunions d’ici la fin de l’année et au premier semestre de l’année prochaine.
Il vaut la peine de noter ce que le budget 2022 n’a pas fait. Il n’a rien fait au sujet des fiducies de placement immobilier ou des investissements des acheteurs canadiens autres que pour la revente précipitée. Certains s’attendaient à une hausse de la mise de fonds exigée pour les achats par des investisseurs, ou à des restrictions sur l’utilisation d’une marge de crédit hypothécaire.
Le budget 2022 n’a pas augmenté le plafond de 1 million de dollars pour les hypothèques assurables. Il n’a pas rétabli l’amortissement sur 30 ans, un souhait du NPD. Il n’a pas non plus suivi l’exemple du gouvernement de la Colombie-Britannique en permettant une période de réflexion après qu’une offre a été acceptée, donnant techniquement aux acheteurs plus de temps pour obtenir du financement.