Publié par Sherry Cooper
La Banque du Canada réduit de nouveau ses achats d’obligations.
La Banque du Canada prend les devants dans la réduction des mesures de stimulation
La Banque du Canada a augmenté ses prévisions quant à l’inflation, dans le nouveau Rapport sur la politique monétaire (RPM), se situant ainsi parmi les banques centrales les plus confiantes dans l’économie. Elle a annoncé une troisième réduction de son programme de stimulation par l’achat d’obligations, cette fois d’un tiers. En avril dernier, quand elle avait devancé l’échéance d’une augmentation possible de taux d’intérêt et réduit ses achats d’obligations, la banque centrale était déjà parmi les premières des économies avancées à passer à une politique moins expansionniste. Dans son communiqué d’aujourd’hui, la Banque a annoncé qu’elle allait de nouveau ajuster son programme d’assouplissement quantitatif, fixant l’objectif de 2 milliards de dollars par semaine pour l’achat d’obligations du gouvernement du Canada – soit 1 milliard de moins que l’objectif précédent de 3 milliards de dollars par semaine. Voilà qui crée une pression haussière sur le rendement des obligations, toutes autres choses étant égales. Le financement des énormes déficits budgétaires fédéraux causés par la COVID a assurément été favorisé par les achats d’obligations de la banque centrale.
Les achats d’obligations du gouvernement du Canada ont atteint les 5 milliards de dollars par semaine l’année passée. La banque centrale en a acquis pour un montant net de 320 milliards de dollars depuis le début de la pandémie de COVID-19. Elle est propriétaire d’environ 44 % des obligations du gouvernement du Canada en circulation.
La Banque du Canada affirme vouloir cesser de bonifier son portefeuille d’obligations du gouvernement avant de porter son attention sur la question d’augmentations des taux d’intérêt. Il reste que ses responsables ont choisi de ne pas accélérer immédiatement l’échéancier prévu d’une éventuelle augmentation.
En maintenant le taux à un jour à sa valeur plancher effective de 0,25 %, le Conseil de direction a réaffirmé ses « indications prospectives exceptionnelles » selon lesquelles l’économie canadienne a encore une marge considérable de capacités excédentaires. Des mesures de politique monétaire exceptionnelles restent nécessaires à la reprise. « Nous restons engagés à maintenir le taux directeur à sa valeur plancher jusqu’à ce que les capacités excédentaires dans l’économie se résorbent, de sorte que la cible d’inflation de 2 % soit atteinte de manière durable », affirme la Banque dans son énoncé de politique. Selon la projection de juillet de la Banque, cela se produirait au cours de la seconde moitié de 2022.
Au vu de l’évolution des échanges de créances, il semble que les investisseurs escomptent une hausse de taux dans les 12 mois à venir et un total de quatre au cours des deux prochaines années, qui donneraient au Canada un des taux directeurs les plus élevés parmi les économies avancées. La Banque du Canada devancerait ainsi la Réserve fédérale américaine dans la hausse des taux d’intérêt. Le président de la Fed Jerome Powell a dit aujourd’hui au Congrès que l’économie américaine n’est pas prête à une réduction des achats d’obligations. Il a affirmé qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’arriver au critère d’« importants progrès supplémentaires ». Aux États-Unis, les investisseurs n’escomptent aucune hausse de taux dans la prochaine année, et n’en prévoient que deux dans les deux prochaines années.
Rapport sur la politique monétaire de juillet
La Banque a révisé sa prévision de croissance du PIB canadien cette année, passant de 6,5 % dans le RPM d’avril à 6,0 % maintenant, en raison du resserrement des restrictions liées à la pandémie au deuxième trimestre. Selon les nouvelles prévisions, la croissance devrait se redresser fortement au troisième trimestre de cette année. La confiance des consommateurs est revenue aux niveaux d’avant la pandémie, et une part importante de la population admissible est vaccinée. La consommation devrait être le moteur du rebond attendu durant la réouverture de l’économie, avec une augmentation des dépenses en services comme le transport, les loisirs, ainsi que la restauration et l’hébergement.
Les reventes de logements, qui ont atteint des sommets historiques, ont diminué, mais restent élevées (graphique ci-dessous). D’autres domaines du secteur du logement – comme la construction et la rénovation – demeurent vigoureuses, portées par le revenu disponible élevé, les bas taux d’emprunt et la recherche d’habitations plus spacieuses à la suite de la pandémie.
Des facteurs temporaires stimulent l’inflation mesurée par l’IPC
La Banque a rehaussé sa prévision de l’inflation pour l’année, mais réaffirmé qu’elle reviendrait à 2 % en 2022. Cette appréciation controversée concorde avec celle de banques centrales dans le monde entier. « Cette poussée passagère de l’inflation tient à trois séries de facteurs, soutient la Banque du Canada. D’abord, les prix de l’essence, qui étaient très bas il y a un an, ont remonté et dépassent maintenant les niveaux atteints avant la pandémie, ce qui a fait progresser l’inflation. Ensuite, d’autres prix que l’effondrement de la demande avait fait chuter l’an dernier augmentent maintenant à la faveur de la réouverture de l’économie et du déblocage de la demande refoulée. Enfin, des contraintes d’offre, dont les goulots d’étranglement du côté de l’expédition et la pénurie mondiale de semi-conducteurs, font grimper les prix de biens comme les véhicules automobiles. »
La Banque prévoit que l’inflation mesurée par l’IPC diminuera d’ici le début de 2022, à mesure que les facteurs temporaires attribuables à la pandémie s’estomperont. La marge de capacités excédentaires deviendra ensuite le principal facteur influant sur la projection concernant la dynamique de l’inflation. Une grande incertitude continue de planer sur les perspectives entourant l’écart de production et l’inflation. Pour cette raison, l’estimation du moment où les capacités excédentaires se seront résorbées est très imprécise. Selon la projection, cela se produira pendant la deuxième moitié de 2022. Après être descendue à 2 % en 2022, l’inflation devrait augmenter légèrement en 2023, l’économie entrant dans une phase de demande excédentaire. La demande excédentaire et la montée de l’inflation au-dessus de la cible qui en résultera devraient être temporaires. Elles sont la conséquence de la détermination du Conseil de direction à maintenir le taux directeur à sa valeur plancher jusqu’à ce que les capacités excédentaires de l’économie se résorbent, de sorte que la cible d’inflation de 2 % soit atteinte de manière durable.
L’inflation devrait revenir vers la cible en 2024. La projection cadre avec l’hypothèse que les attentes d’inflation à moyen et à long terme resteront bien ancrées à la cible de 2 %. Tant les entreprises que les consommateurs s’attendent à des pressions plus élevées sur les prix à court terme. La grande majorité des répondants à l’enquête de l’été 2021 sur les perspectives des entreprises estiment maintenant que l’inflation sera supérieure à 2 % en moyenne au cours des deux prochaines années. Néanmoins, pour les entreprises, le renchérissement des produits de base, les goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement, les mesures publiques de relance et le déblocage de la demande refoulée sont essentiellement des facteurs temporaires qui font monter l’inflation à court terme.
En somme
Le temps nous dira si la Banque du Canada voit juste en croyant que les pressions inflationnistes sont temporaires. Les marchés financiers resteront sensibles aux nouvelles données, mais les marchés obligataires semblent accepter son point de vue pour le moment. Le rendement des obligations du Canada à 5 ans a baissé légèrement depuis sa récente pointe à 1,0 %, le 28 juin, jusqu’à 0,936 %. Par ailleurs, le dollar canadien a un peu faibli, à 0,7993 $US, depuis la publication ce matin de l’énoncé de politique de la Banque du Canada. Il reste toutefois parmi les monnaies les plus fortes cette année contre le dollar américain.