Publié par Sherry Cooper
La Banque du Canada ralentit le rythme des hausses de taux.
La Banque du Canada ralentit le rythme du resserrement monétaire
Le Conseil de direction de la Banque du Canada a augmenté sa cible pour le taux directeur à un jour de 50 points de base (pb) aujourd’hui, le portant à 3,75 %. Il a aussi indiqué que le taux directeur augmenterait encore. La Banque poursuit aussi sa politique de resserrement quantitatif, réduisant son portefeuille d’obligations du gouvernement du Canada et augmentant ainsi encore la pression à la hausse des taux d’intérêt à plus long terme.
La plupart des analystes s’attendaient à une hausse de 75 pb à la suite des données décevantes sur l’inflation en septembre. L’inflation globale a ralenti, passant de 8,1 % à 6,9 % au cours des trois derniers mois, en raison surtout de la chute des prix de l’essence. Cependant, la Banque affirme que : « les pressions sur les prix restent généralisées, les deux tiers des composantes de l’IPC ayant augmenté de plus de 5 % au cours de la dernière année. Les mesures de l’inflation fondamentale privilégiées par la Banque n’indiquent pas encore de manière significative que les pressions sous-jacentes sur les prix s’atténuent. Les attentes d’inflation à court terme demeurent élevées, ce qui accroît le risque que la forte inflation s’enracine. »
En conférence de presse, le gouverneur Tiff Macklem a dit que la Banque avait choisi de réduire la hausse d’aujourd’hui, des 75 pb du mois passé (100 pb en juillet) aux 50 pb d’aujourd’hui parce qu’« il y a des signes que l’économie ralentit ». Interrogé à savoir s’il s’agissait d’un changement de cap par rapport aux très grandes augmentations de taux, M. Macklem a répondu que d’autres augmentations suivront, mais que leur ampleur dépendra des données. Des facteurs mondiaux influenceront aussi les mesures futures de la Banque du Canada.
« La Banque s’attend à ce que l’inflation mesurée par l’IPC baisse à mesure que les taux d’intérêt plus élevés aideront à rééquilibrer l’offre et la demande, que les pressions sur les prix attribuables aux perturbations mondiales de l’approvisionnement diminueront et que les effets passés des prix plus élevés des produits de base se dissiperont. L’inflation mesurée par l’IPC devrait donc descendre à environ 3 % à la fin de 2023, puis retourner à la cible de 2 % à la fin de 2024. »
Le communiqué de presse concluait comme suit : « Étant donné que l’inflation et les attentes d’inflation sont élevées, et que des pressions continues s’exercent sur la demande dans l’économie, le Conseil de direction s’attend à ce que le taux directeur doive encore augmenter. Les futures hausses de taux seront influencées par nos évaluations : de l’efficacité du resserrement de la politique monétaire pour ralentir la demande, de la résolution des problèmes d’approvisionnement, et de la réaction de l’inflation et des attentes d’inflation aux hausses de taux. Le resserrement quantitatif est un outil complémentaire des hausses de taux directeur. Nous sommes déterminés à rétablir la stabilité des prix pour les Canadiens et nous continuerons de prendre les mesures nécessaires en vue de l’atteinte de la cible d’inflation de 2 %. »
Si on lit entre les lignes, le fait que la Banque du Canada parle d’augmentations de taux d’intérêt au pluriel donne à croire qu’il n’y en aura pas une seule, puis que ce sera fini.
Rapport sur la politique monétaire (RPM)
La Banque du Canada a présenté ses plus récentes prévisions pour l’économie mondiale et pour le Canada dans son RPM d’octobre. Elle a réduit toutes ses attentes. Pour les perspectives du Canada, l’augmentation du PIB en 2022 a été révisée à la baisse d’environ ¼ de point de pourcentage, à environ 3¼ %. Elle a aussi été baissée pour 2023, de presque 1 point de pourcentage, et pour 2024, de presque ½ point de pourcentage, ce qui donnerait une augmentation d’environ 1 % et 2 % respectivement. Selon ces révisions, l’augmentation du PIB réel serait plus basse d’environ 1½ % d’ici la fin de 2024.
L’inflation de l’indice des prix à la consommation (IPC) en 2022 et 2023 serait plus faible que précédemment prévu. La prévision pour l’inflation de l’IPC a été réduite de ¼ de point de pourcentage, à un peu moins de 7 %, en 2022, et de ½ point de pourcentage, à environ 4 %, en 2023. La prévision concernant l’inflation en 2024 est essentiellement inchangée. Les révisions à la baisse sont principalement attribuables aux prix plus bas de l’essence et à une demande plus faible. L’atténuation des pressions sur les prix à l’échelle mondiale, y compris des frais d’expédition plus bas que prévu, ont aussi contribué à réduire l’inflation prévue en 2023. Le dollar canadien affaibli compense en partie les pressions sur les prix.
La Banque s’attend à une moindre augmentation des dépenses des ménages. Les dépenses de consommation connaîtraient une légère contraction au quatrième trimestre de 2022 et jusqu’au cours du premier semestre de 2023. Les taux d’intérêt majorés pèsent sur les dépenses des ménages. Le logement et les achats majeurs en souffriront le plus (voir le graphique ci-dessous). Les prix des maisons en baisse, la richesse financière et la confiance des consommateurs sont des facteurs qui limitent aussi les dépenses des ménages. Les coûts d’emprunt ont fortement augmenté. Ceux qui contractent un nouveau prêt hypothécaire le constateront. Les ménages renouvelant un prêt hypothécaire existant feront face à une plus grande augmentation qu’on n’en a vu depuis 30 ans. Par exemple, un propriétaire qui avait contracté un prêt hypothécaire de cinq ans à taux fixe en octobre 2017 verrait son taux augmenter de 1½ à 2 points de pourcentage lors du renouvellement.
Le logement est la composante des dépenses des ménages la plus sensible au taux d’intérêt. Elle constitue le mécanisme de transmission le plus important d’un resserrement (ou d’un assouplissement) de la politique monétaire. La hausse des taux hypothécaires a contribué à un net recul des reventes de maisons à partir de mars. Les reventes ont baissé sous les niveaux d’avant la pandémie (graphique ci-dessous). Le marché de la rénovation s’est aussi affaibli. La contraction des investissements résidentiels qui a commencé au deuxième trimestre de cette année devrait se poursuivre jusqu’au cours du premier semestre de 2023, bien qu’à un degré moindre. Les prix des maisons ont augmenté d’un peu plus de 50 % entre février 2020 et février 2022, puis ont baissé d’un peu moins de 10 %. Selon la Banque du Canada, ils baisseront encore, surtout dans les marchés qui avaient eu les plus fortes augmentations pendant la pandémie.
Les coûts d’emprunt majorés touchent aussi les dépenses pour des achats majeurs. Les dépenses pour des autos, des meubles et des électroménagers sont les plus sensibles aux taux d’intérêt, et elles semblent déjà ralentir. À mesure que les taux d’intérêt majorés produisent leurs effets dans l’ensemble de l’économie, la hausse du revenu disponible et la demande de services ralentiront aussi. Selon l’expérience, la demande de voyages, de séjours à l’hôtel, de repas au restaurant et de services de communication seront les plus touchés. Les dépenses des ménages commenceront à se renforcer au deuxième semestre de 2023 et en 2024. La croissance de la population et une hausse du revenu disponible favoriseront la demande en même temps que les répercussions du resserrement monétaire s’atténueront. Par exemple, la construction résidentielle est stimulée par une forte immigration dans des marchés qui sont d’avance particulièrement serrés.
Le gouverneur Macklem et ses collaborateurs ont soulevé la perspective d’une récession technique. Dans le RPM, la Banque du Canada avance que « durant quelques trimestres, la croissance pourrait tout aussi bien être un peu en deçà de zéro qu’être légèrement positive » au début de l’année prochaine.
En somme
L’étonnante décision d’aujourd’hui de la Banque du Canada, d’augmenter les taux d’intérêt de 50 pb, 25 pb de moins que prévu, reflète son importante révision à la baisse des prévisions économiques. Une croissance moindre devrait atténuer les pressions inflationnistes suffisamment pour justifier la mesure plus modeste.
Une hausse de 50 pb reste toutefois conséquente, et les implications sont considérables pour le marché du logement. Le taux préférentiel passera rapidement à 5,95 %, les taux des hypothèques à taux variable augmenteront encore de 50 pb, et le taux d’admissibilité passera à environ 7,5 %.
Les hypothèques à taux fixe, tributaires du rendement des obligations du gouvernement du Canada sur 5 ans, seront moins touchées. Le rendement des obligations à 5 ans a baissé fortement aujourd’hui, de 25 pb, à 3,42 %, par suite de la hausse plus modeste que prévu du taux.
À moins que l’économie ne connaisse encore une forte baisse ou que l’inflation n’évolue sensiblement, je prévois que la Banque du Canada augmentera les taux de nouveau en décembre, de 25 pb, puis encore une ou deux fois en 2023. Le taux cible à un jour aboutira probablement à 4,5 %, et la Banque tiendra bon pour le reste de l’année. Évidemment, tout dépend de ce que seront les données, et le niveau d’incertitude est élevé.