Publié par Sherry Cooper
La Banque du Canada marque une pause des hausses de taux alors que la Fed promet encore un resserrement.
La Banque du Canada maintient les taux au même niveau même si la Fed promet encore des hausses
Comme prévu, la banque centrale a maintenu le taux à un jour à 4,5 %. Elle met donc fin, pour le moment, à une série de huit augmentations consécutives dans la dernière année. La Banque du Canada poursuit par ailleurs sa politique de resserrement quantitatif. Elle est la première des grandes banques centrales à cesser les augmentations de taux.
La croissance économique a été nulle au quatrième trimestre de 2022, soit inférieure à la projection de la Banque. « Avec la consommation, les dépenses publiques et les exportations nettes toutes en hausse, le produit intérieur brut plus faible qu’anticipé s’explique en grande partie par un ralentissement substantiel des investissements en stocks », affirme un communiqué de la Banque. La montée des taux d’intérêt a sensiblement ralenti l’activité immobilière. « La politique monétaire restrictive continue de peser sur les dépenses des ménages, et les investissements des entreprises se sont affaiblis de pair avec le ralentissement de la demande intérieure et étrangère. »
Néanmoins, le marché du travail reste très tendu. « L’emploi a progressé avec une force surprenante, le taux de chômage se maintient près des creux historiques et le nombre de postes vacants est élevé. » Les salaires continuent d’augmenter à un rythme de 4 à 5 %, tandis que la productivité a baissé.
« L’inflation est descendue à 5,9 % en janvier, ce qui reflète les hausses plus modérées des prix de l’énergie, des biens durables et de certains services. Les prix des aliments et du logement affichent encore de fortes augmentations et continuent donc de mettre les Canadiennes et les Canadiens à dure épreuve. » Compte tenu de la faible croissance attendue dans les prochains trimestres, la Banque du Canada prévoit que les pressions sur les marchés de produits et du travail devraient s’alléger. Elle estime que cela devrait modérer la croissance des salaires et accroître les pressions concurrentielles, rendant plus difficile pour les entreprises de répercuter leurs hausses de coûts sur les prix à la consommation.
La Banque du Canada considère que l’économie évolue conformément à ses prévisions de janvier : « Dans l’ensemble, les plus récentes données concordent encore avec l’attente de la Banque voulant que l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation descende pour avoisiner 3 % au milieu de l’année. »
Cependant, les mesures de l’inflation fondamentale sur un an ont très légèrement baissé pour s’établir à environ 5 %, et celles sur trois mois sont autour de 3½ %. Ces deux chiffres devront encore diminuer, tout comme les attentes d’inflation à court terme, pour que l’inflation retourne à la cible de 2 %.
Selon le communiqué d’aujourd’hui : « Le Conseil va continuer d’analyser l’évolution de l’économie et les répercussions des hausses qu’il a effectuées jusqu’ici, et se tient prêt à relever encore le taux directeur si cela est nécessaire pour ramener l’inflation à la cible de 2 %. La Banque reste déterminée à rétablir la stabilité des prix pour les Canadiennes et les Canadiens. »
La plupart des économistes croient que la Banque du Canada maintiendra le taux à un jour à 4,5 % pour le reste de l’année, et commencera à le réduire en 2024. Certains croient même que les baisses de taux commenceront à la fin 2023.
Dans un témoignage au Congrès américain hier et aujourd’hui, le président de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell a affirmé que la Fed devra peut-être hausser les taux d’intérêt à des niveaux plus élevés, et les y laisser plus longtemps que ne le prévoit le marché. Les nouvelles d’aujourd’hui de la Banque du Canada ont entraîné une nouvelle dépréciation du dollar canadien (voir le graphique ci-dessous).
Les responsables de la Fed se rencontrent les 21 et 22 mars, quand ils réviseront leurs prévisions économiques trimestrielles. En décembre, ils voyaient les taux monter jusqu’à environ 5,1 % cette année. Les investisseurs ont parié que la Fed pourrait augmenter les taux de 50 points de base ce mois-ci, au lieu de continuer au rythme d’un quart de point comme lors de sa dernière réunion. Ils envisageaient aussi que la Fed augmente davantage les taux, prévoyant que son taux directeur atteindrait environ 5,6 % cette année.
En somme
L’écart croissant entre la Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine entraîneront encore une dépréciation du dollar canadien. En conséquence, les prix canadiens des produits de base et des importations américaines augmenteront. Voilà qui complique la situation pour la Banque du Canada.
La Banque doit faire sa prochaine annonce sur le taux directeur le 12 avril, quelques jours à peine avant que le BSIF annonce ses prochaines mesures visant à resserrer la réglementation hypothécaire pour les institutions financières sous réglementation fédérale.
Assurément, l’économie canadienne est plus sensible aux taux d’intérêt que ne l’est l’économie américaine. Il reste que, comme l’a avancé le président de la Fed Jerome Powell, « L’inflation est en baisse, mais elle reste élevée. Une part de l’inflation élevée que nous connaissons est très probablement attribuable à un marché du travail très tendu. »
Si tel est le cas aux États-Unis, il en va sans doute de même au Canada. Je ne prévois aucune réduction de taux au Canada cette année, et il reste à voir si le sommet du taux directeur dans le présent cycle sera à 4,5 %.