Publié par Sherry Cooper
La Banque du Canada a haussé le taux à un jour de 75 points de base, à 3,25 %, et ce n’est pas fini.
La Banque du Canada hausse de nouveau les taux, et n’a pas fini
Le Conseil de direction de la Banque du Canada a augmenté sa cible pour le taux directeur à un jour de 75 points de base aujourd’hui, la portant à 3,25 %. Il a aussi indiqué que le taux directeur augmenterait encore. La Banque poursuit aussi sa politique de resserrement quantitatif, réduisant son portefeuille d’obligations du gouvernement du Canada et augmentant ainsi encore la pression à la hausse des taux d’intérêt à plus long terme.
Certains analystes de Bay Street croyaient que ce serait la dernière décision du présent cycle dans le sens d’un resserrement, mais le communiqué de la banque centrale les a détrompés. Il y a eu un malentendu au sujet de la supposée plage neutre du taux directeur à un jour. Avec l’inflation à 2 %, les économistes de la Banque du Canada avaient jadis estimé que la plage neutre du taux directeur était de 2 à 3 %. Certains croyaient ainsi que la Banque n’aurait besoin d’augmenter le taux directeur qu’à un peu plus de 3 %. Cependant, la plage neutre est sensiblement plus élevée, avec l’inflation globale à 7,6 % et l’inflation de base entre 5,0 % et 5,5 %. En d’autres termes, un taux de 3,25 % n’est plus suffisamment restrictif pour maintenir la demande intérieure à des niveaux compatibles avec l’objectif d’une inflation de 2 %.
Comme l’indique la déclaration d’aujourd’hui de la Banque du Canada, même si la croissance du PIB de 3,3 % au deuxième trimestre était plus faible que prévu, les indicateurs de la demande intérieure étaient très forts : « la consommation a progressé d’environ 9,5 %, et les investissements des entreprises, de près de 12 %. Les taux hypothécaires plus élevés entraînent un recul du marché du logement, comme prévu, suivant la période de croissance insoutenable enregistrée durant la pandémie. »
Les taux salariaux continuent d’augmenter, et les marchés du travail sont exceptionnellement serrés. Le nombre de postes vacants atteint des records. Nous en saurons plus au sujet du marché du travail quand le rapport d’août sur l’emploi sera publié ce vendredi. La Banque du Canada craint que les attentes d’inflation continuent d’entraîner des hausses des salaires et des prix. Pour y parer, le taux directeur devra encore être augmenté.
Les opérateurs boursiers parient maintenant qu’une nouvelle hausse de 50 points de base est probable lors de la prochaine réunion du Conseil de direction, le 25 octobre. Il y aura encore une autre réunion cette année, le 6 décembre. Je m’attends à ce que le taux directeur finisse l’année à 4 %.
En somme
Les implications de la décision d’aujourd’hui de la Banque du Canada sont considérables pour le marché du logement. Le taux préférentiel passera rapidement à 5,45 %, les taux des hypothèques à taux variable augmenteront encore de 75 points de base, et le taux d’admissibilité passera à environ 7 %.
Pour les hypothèques à taux fixe, tributaires du rendement des obligations du gouvernement du Canada sur cinq ans, le taux augmentera aussi, mais beaucoup moins. Le rendement sur cinq ans est redescendu après sa poussée immédiatement après l’annonce, et reste à environ 3,27 % (voir les graphiques ci-dessous). Les attentes d’un ralentissement économique ont atténué les répercussions des taux d’intérêt à court terme majorés sur les rendements obligataires à plus long terme. L’inversion de la courbe de rendement concorde avec l’attente d’une légère récession l’année prochaine. Il faut noter que le communiqué d’aujourd’hui de la Banque du Canada omettait le commentaire habituel au sujet d’un atterrissage en douceur de l’économie. Les économistes de la Banque comprennent que le prix à payer pour maîtriser l’inflation pourrait bien être à tout le moins une légère récession.
La hausse d’aujourd’hui du taux directeur a une autre implication : les prêts hypothécaires à taux variable et paiements fixes contractés en 2021 et 2022, quand les rendements étaient bien faibles, pourraient atteindre leur taux critique. Il y a beaucoup d’incertitude quant au nombre de prêts qui seront touchés, les conditions variant d’un cas à l’autre, mais il s’agit d’un facteur de plus qui jettera une ombre sur l’économie dans l’année à venir.
Nous restons d’avis que l’économie ralentira considérablement au deuxième semestre de cette année et pendant une bonne part de 2023. Jusque-là, sinon plus longtemps, la Banque du Canada maintiendra le taux directeur au sommet qu’il atteindra – après encore au moins une ou deux hausses. Un retour à une inflation de 2 % ne se fera pas avant au moins 2024, et (comme le dit le gouverneur Macklem), le travail de la Banque du Canada ne sera pas fini avant.