Publié par Sherry Cooper
Aucune augmentation de taux avant mars – La Banque du Canada assure que l’inflation reviendra à 2 % en 2023-2024.
La Banque augmentera les taux à sa prochaine réunion
Les marchés étaient sûrs à 70 % que la Banque du Canada augmenterait son taux cible à un jour aujourd’hui, mais nous étions toujours d’avis que son Conseil de direction attendrait jusqu’en mars ou avril en raison du ralentissement de la croissance au premier trimestre par suite des restrictions liées au variant Omicron. La Banque a annoncé aujourd’hui que les capacités excédentaires de l’économie avaient été absorbées plus rapidement que ce n’était prévu à la fin octobre, lors de sa dernière réunion. « L’emploi dépasse les niveaux prépandémie, les entreprises peinent à pourvoir leurs postes vacants et les hausses salariales s’accentuent, a constaté le gouverneur Tiff Macklem. Il reste des inégalités entre les secteurs, mais le Conseil de direction juge que l’économie tourne désormais près des limites de sa capacité. »
Par conséquent, la Banque croit maintenant que les mesures d’urgence découlant de la pandémie ne sont plus nécessaires. Elle indique clairement que les taux d’intérêt devront suivre une trajectoire à la hausse pour modérer la progression des dépenses au pays et ramener l’inflation à la cible. Prévoyant que la propagation d’Omicron atténuera les dépenses au premier trimestre, elle a décidé de ne pas changer le taux directeur aujourd’hui, tout en signalant que les taux monteront dans l’avenir. « Le moment et le rythme de ces hausses seront guidés par l’engagement de la Banque à atteindre la cible d’inflation de 2 % », a dit M. Macklem.
Fait à noter, la Banque a aussi indiqué qu’il y a une autre mesure politique vitale permettant de réduire la demande et ainsi maîtriser l’inflation, soit le « resserrement quantitatif » – la réduction du portefeuille d’obligations du gouvernement du Canada détenues par la banque centrale. La vente d’obligations a aussi pour effet d’augmenter les taux d’intérêt. Or, de dire M. Macklem, « Nous allons garder notre portefeuille d’obligations du gouvernement du Canada assez stable au moins jusqu’à ce que nous commencions à relever le taux directeur. À ce moment-là, nous évaluerons la possibilité de mettre fin à la phase de réinvestissement et de réduire la taille du bilan de la Banque en ne remplaçant pas les obligations du gouvernement du Canada qui arrivent à échéance. Comme nous l’avons fait dans le passé, avant de changer quoi que ce soit dans la façon de gérer notre bilan, nous expliquerons ce que nous entendons faire. »
La Banque du Canada tient manifestement à préserver sa crédibilité durement acquise en matière de lutte contre l’inflation. L’inflation a certes atteint son plus haut niveau en 30 ans au Canada – comme elle l’a fait dans le reste du monde –, mais à 4,8 %, elle reste bien modérée en comparaison des 7,0 % des États-Unis et des 6,8 % du Royaume-Uni (voir le graphique ci-dessous). Elle est aussi inférieure à l’inflation dans la zone euro. La Banque a fait le point comme suit : « L’inflation mesurée par l’IPC reste bien au-dessus de la fourchette cible et les mesures de l’inflation fondamentale sont en légère hausse depuis octobre. Les contraintes d’offre persistantes se répercutent sur les prix d’une plus grande variété de biens. De pair avec les prix plus élevés des aliments et de l’énergie, ces contraintes devraient garder l’inflation mesurée par l’IPC près de 5 % dans la première moitié de 2022. À mesure que les ruptures d’approvisionnement diminueront, l’inflation devrait baisser à un rythme raisonnablement rapide pour atteindre environ 3 % d’ici la fin de l’année, puis se rapprocher graduellement de la cible pendant le reste de la période de projection. Les attentes d’inflation à court terme ont augmenté, mais les attentes à long terme demeurent ancrées à la cible de 2 %. La Banque utilisera ses outils de politique monétaire pour veiller à ce que ces attentes plus élevées à court terme n’aient pas une influence durable sur l’inflation. »
En somme
Je m’étonne que des économistes canadiens prévoiraient que la Banque hausse les taux d’intérêt pendant un confinement COVID sans l’avoir signalé convenablement à l’avance. L’hystérie des milieux financiers au sujet de l’inflation semble avoir embrouillé les esprits. La Banque sortira l’artillerie lourde pour mater l’inflation. Les augmentations du taux à un jour commenceront à la prochaine réunion sur la politique monétaire le 2 mars, puis ce sera le resserrement quantitatif peu après. La réduction du bilan de la Banque pourrait avoir des effets encore plus radicaux sur la forme de la courbe de rendement, faisant grimper les taux d’intérêt à plus long terme.
Dans son énoncé de politique et son Rapport sur la politique monétaire (RPM) d’aujourd’hui, la Banque insiste sur la vigueur du marché de l’habitation et l’effet inflationniste de l’augmentation de plus de 20 % des prix des maisons au Canada l’année passée. Selon le RPM, l’activité sur le marché de l’habitation s’est encore renforcée ces derniers mois, avec une remontée des reventes de maisons. « Les bas taux d’emprunt et le revenu disponible élevé continuent de contribuer à de hauts niveaux d’activité sur ce marché au premier trimestre, lit-on dans le RPM. Parallèlement, d’autres facteurs soutenant la demande, comme la croissance démographique, amorcent également un redressement. »
Les opérateurs boursiers continuent de parier que la Banque du Canada augmentera les taux d’intérêt de 25 points de base cinq ou six fois cette année. Le taux à un jour passerait ainsi de 0,25 % à 1,5 %, puis 1,75 %. Il était à 1,75 % en février 2020 avant le début de l’assouplissement lié à la pandémie. Les marchés prévoient aussi deux hausses de taux supplémentaires en 2023, ce qui porterait le taux à un jour à 2,25 %.
La volatilité a fortement augmenté cette année dans les marchés financiers. Le FOMC, qui établit la politique en la matière aux États-Unis, annoncera sa décision à 14 h aujourd’hui. Aucune hausse des taux n’est encore prévue, mais la Réserve fédérale va certainement s’engager résolument dans le sens de hausses de taux et d’une contraction du bilan dans les prochains mois.