Publié par Sherry Cooper
Les mesures budgétaires du Canada face à la COVID sont les plus importantes dans le monde industrialisé.
Mise à jour financière fédérale – Les débuts de la ministre Freeland aux Finances
Le gouvernement de Justin Trudeau, qui face à la COVID-19 a pris les mesures budgétaires les plus importantes dans le monde industrialisé, a annoncé un effort supplémentaire de stimulation et s’est engagé à continuer sur cette voie aussi longtemps qu’il le faudra.
La ministre des Finances Chrystia Freeland a dévoilé 51,7 milliards de dollars de nouvelles dépenses sur deux ans, avec en particulier des subventions salariales bonifiées pour les entreprises, dans un mini-budget présenté lundi. La ministre a aussi annoncé, sans donner de détails, 70 à 100 milliards de dollars de mesures de plus sur trois ans pour alimenter la relance.
Cependant, la ministre des Finances a clairement entendu les appels à la prudence. Elle a reporté toute annonce majeure de dépenses structurelles, elle a promis que toute mesure de stimulation supplémentaire sera temporaire et elle a annoncé de nouvelles taxes pour les géants du numérique dont Netflix, Amazon et Airbnb.
« Notre gouvernement fera des investissements judicieux, ciblés et considérables pour créer des emplois et stimuler la croissance », a affirmé Mme Freeland. Ces investissements serviront « à fournir le soutien budgétaire dont l’économie canadienne a besoin pour fonctionner à sa pleine capacité et pour empêcher la COVID-19 d’endommager notre potentiel économique à long terme ».
La ministre a revu à la hausse le déficit fédéral prévu cette année, soit 381,6 milliards de dollars, ou 17,5 % du PIB. L’an passé, le déficit était à 1,7 % du PIB. Selon les estimations du Fonds monétaire international, aucune grande économie ne connaîtra un plus grand revirement budgétaire en 2020.
Pour l’an prochain, le déficit projeté est de 121 milliards de dollars, avant toute mesure de stimulation supplémentaire. Au total, les dépenses liées à la réponse du gouvernement à la COVID représentent 75 milliards de dollars du déficit cette année, et 51 milliards de dollars l’année prochaine.
Selon les projections présentées lundi, le déficit baisserait graduellement, jusqu’à 51 milliards de dollars dans deux ans et 25 milliards de dollars en 2025.
Les mesures de stimulation prévues les trois prochaines années ne feront pas plus de 4 % du PIB, ce qui serait du même ordre que le niveau de capacité excédentaire de l’économie. La ministre Freeland a précisé que des « garde-fous fiscaux » liés au marché du travail aideraient à déterminer l’ampleur des mesures de stimulation supplémentaires.
Parmi les mesures annoncées lundi, Mme Freeland a bonifié le programme de la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC), qui couvrira jusqu’à 75 % des coûts salariaux des entreprises. Elle a aussi prolongé jusqu’en mars la subvention pour le loyer et le soutien en cas de confinement. Ces deux programmes devaient prendre fin le 20 décembre. Le plafond de la SSUC était de 65 %.
Le gouvernement fédéral entend créer un nouveau programme de financement pour venir en aide aux restaurants, aux entreprises du tourisme et à d’autres entreprises particulièrement éprouvées par la COVID.
Le Programme de crédit pour les secteurs durement touchés (PCSDT), annoncé dans la mise à jour de lundi, fournira aux entreprises admissibles des prêts pouvant atteindre 1 million de dollars, pour 10 ans.
L’argent sera prêté par les banques ou d’autres institutions financières, mais garanti par le gouvernement fédéral.
« Nous savons que les entreprises des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, des voyages, des arts et de la culture ont été particulièrement touchées par la pandémie, a martelé la ministre Freeland dans son allocution à la Chambre des communes. Nous créons donc des mesures de soutien pour les entreprises qui en ont le plus besoin, à savoir un programme de crédit aux entreprises assorti de prêts garantis à 100 % par l’État et de conditions favorables pour les entreprises qui ont perdu des revenus parce que les gens doivent rester chez eux pour lutter contre la propagation du virus. »
L’établissement d’un programme national de garde d’enfants est un important objectif à long terme, et Mme Freeland a promis un plan détaillé dans le budget de l’année prochaine. Dans son préambule à la mise à jour, elle a affirmé que la stratégie en matière de garde d’enfants est un programme « féministe », mais aussi « logique sur le plan économique ».
Pour commencer, le gouvernement libéral propose, dans la mise à jour, de dépenser 420 millions de dollars en subventions et bourses pour aider les provinces et territoires à former et retenir des personnes qualifiées en éducation à la petite enfance.
Le gouvernement propose aussi de consacrer 20 millions de dollars sur cinq ans à l’établissement d’un secrétariat de la garde d’enfants, plus 15 millions par la suite à un secrétariat semblable pour les Autochtones.
Les fonds visent à jeter les bases de ce qui sera sans doute une promesse majeure dans le prochain budget.
Le financement actuel du gouvernement fédéral pour la garde d’enfants arrive à échéance près de la fin de la décennie, mais le gouvernement propose maintenant de le maintenir, en commençant par 870 millions de dollars par année en 2028.
Il y a aussi des fonds pour des mesures face aux changements climatiques. Le gouvernement a affecté 2,6 milliards de dollars en subventions pour aider les propriétaires de maison à accroître leur efficacité économique, et 150 millions de dollars sur trois ans pour des bornes de recharge de véhicules électriques.
Le gouvernement a également donné des détails sur une aide à l’intention du secteur du tourisme durement éprouvé, y compris des fonds pour les aéroports. Cependant, comme le ministre des Transports Marc Garneau poursuit des négociations avec les compagnies aériennes, il n’y a pas de fonds expressément destinés aux transporteurs comme Air Canada et WestJet.
En somme
Les plus grands déficits budgétaires à être enregistrés depuis la Deuxième Guerre mondiale continueront de susciter des inquiétudes. Est-ce que le Canada a réellement besoin des mesures proportionnellement les plus importantes du monde industrialisé face à la COVID? Les perspectives sont un peu moins désastreuses que lorsque le gouvernement avait présenté un portrait économique en juillet. À 8,9 %, le taux de chômage est sensiblement inférieur aux 13,7 % de mai, quoique toujours bien au-dessus des 5,6 % de février. L’économie à regagné du terrain jusqu’au troisième trimestre, bien que la deuxième vague de la pandémie et les restrictions en découlant vont assurément entraver l’activité économique au quatrième trimestre.
Il n’y a guère de doute que le gouvernement puisse assumer un déficit massif cette année. Il est en mesure de le faire parce que le niveau de la dette était faible avant la crise, et les taux d’intérêt sont à un niveau historiquement bas. Cependant, faute de garde-fous budgétaires, il y a un risque que le ratio dette-PIB continue d’augmenter à moyen terme si le gouvernement continue de dépenser largement.
Le gouvernement ajoute une source de revenu en taxant les grandes entreprises numériques. Il n’empêche qu’avec l’actuel niveau des dépenses, il sera ensuite tenté d’augmenter les taxes intérieures, par exemple la TPS et l’impôt sur les gains en capital. Ce serait mal inspiré, vu la fragilité de la reprise.
Il y a un plus grand risque que le gouvernement soit en train d’en faire trop plutôt que trop peu pour stimuler l’économie, étant entendu que des vaccins pointent à l’horizon. Les programmes du Canada ont été généreux et davantage axés sur les ménages, par rapport à nos pairs du G7. Le gouvernement doit agir stratégiquement et veiller à ce que les nouvelles dépenses de programmes servent à la croissance future, au-delà de la pandémie, de sorte que notre ratio dette-PIB retrouve sa tendance à la baisse. Le danger, c’est qu’une fois des dépenses créées, il est difficile de reculer.