Publié par Sherry Cooper
La Banque du Canada abaisse les taux d’intérêt de 25 pb face aux tarifs douaniers.
La Banque du Canada réduit le taux directeur de 25 pb
La Banque du Canada a abaissé le taux à un jour de 25 points de base (pb) ce matin, ramenant le taux directeur à 2,75 %. La plage neutre est de 2,25 à 2,75 %. Les tarifs douaniers ont déjà mené à un déclin de la confiance et des dépenses des consommateurs, à un affaiblissement du marché du travail et à un fléchissement de l’investissement des entreprises. En y ajoutant un ralentissement de la croissance démographique, on voit bien pourquoi le Conseil de direction de la Banque du Canada a de nouveau réduit le taux directeur – tout en notant que la politique monétaire ne peut pas compenser les répercussions d’une guerre commerciale.
Les guerres commerciales font hausser des prix et réduire la croissance. La hausse des prix amène les consommateurs à se serrer la ceinture, alors qu’ils s’inquiètent des effets des tarifs douaniers sur leur revenu et leurs investissements. Aujourd’hui, il y a 25 % de droits de douane sur l’acier et l’aluminium exportés aux États-Unis. Le Canada en souffre le plus. Il fournit environ 80 % de la demande américaine d’aluminium. L’Union européenne a réagi en imposant des droits de douane de rétorsion sur les produits américains. Le Canada a amplifié ses représailles. Selon les données récentes, l’économie américaine ralentit.
La politique monétaire reste restrictive, puisque le taux réel à un jour (2,75 % moins le taux de l’inflation globale) est de 85 pb, alors que la moyenne historique est de 60 pb. Le rendement des obligations du gouvernement du Canada sur cinq ans a augmenté à 2,65 %. Il est à 4,05 % aux États-Unis. Selon les prévisions, la Réserve fédérale américaine ne réduira pas les taux à sa prochaine réunion, avant la fin du mois.
Malgré une croissance relativement forte du PIB au Canada au second semestre de 2024, les ventes de logements et les embauches ont commencé à ralentir en janvier en raison des menaces de tarifs douaniers. Or, il y aura encore d’autres tarifs. Le 20 mars, à titre de représailles, la Chine pourrait imposer des tarifs de 100 % sur l’huile de canola canadienne, et de 25 % sur le porc et les fruits de mer. La Chine réagit ainsi à des tarifs décrétés par le Canada, de 100 % sur les voitures électriques chinoises et de 25 % sur l’acier et l’aluminium.
Les États-Unis ont annoncé l’entrée en vigueur le 2 avril de tarifs réciproques pour les nations qui en imposent sur les produits américains. Le président Trump envisagerait aussi des tarifs de rétorsion sur le lait et le bois d’œuvre canadiens.
« Nous voilà face à une nouvelle crise, a déclaré le gouverneur de la Banque du Canada Tiff Macklem. Selon l’ampleur et la durée des nouveaux droits de douane américains, les répercussions économiques pourraient être graves. »
Le gouverneur Macklem a affirmé que « l’incertitude généralisée » causée par la guerre tarifaire « cause déjà des torts ». Des analystes avancent que les menaces tarifaires américaines « qui changent de jour en jour » minent les intentions d’achat des consommateurs et limitent les projets d’embauche et d’investissement des entreprises.
En même temps, dit le gouverneur Macklem, la Banque « va aborder avec prudence tout changement futur » des coûts de l’emprunt, et qu’« il sera essentiel d’évaluer les pressions à la hausse sur l’inflation causées par les coûts plus élevés, et les pressions à la baisse causées par la demande plus faible. »
En somme
Nous sommes en pleine période d’incertitude. Les États-Unis sont bien décidés à imposer des tarifs douaniers au monde entier, touchant en particulier le Canada, le Mexique et la Chine qui sont leurs plus grands partenaires commerciaux. Il s’agit d’une politique néo-mercantiliste mal inspirée. Le mercantilisme repose sur l’hypothèse d’une activité économique mondiale fixe, faisant que les gains d’un pays se font nécessairement aux dépens d’un autre. Cette idée d’un jeu à somme nulle a été déboulonnée au 18e siècle. Adam Smith et d’autres ont démontré que si certains pays ont un avantage concurrentiel dans la production de biens ou services donnés, tous en profitent quand on les laisse les produire et les vendre au reste du monde. Le jeu n’est pas à somme nulle. Le gâteau économique grossit avec le commerce. C’est cette idée qui a mené à la mondialisation et à l’accord de libre-échange États-Unis–Mexique–Canada.
Compte tenu de la vulnérabilité du Canada à des tarifs douaniers, son économie souffrira davantage que celle des États-Unis (dont les exportations représentent une modeste part de son PIB). Les prix augmenteront plus ou moins selon la durée et l’ampleur des tarifs douaniers. La lutte contre l’inflation affaiblira l’activité économique. Le mot « stagflation », qui a hanté les années 1970, revient dans l’actualité.
Nous nous attendons à ce que la Banque du Canada continue de réduire le taux directeur à coups de 25 pb, jusqu’à atteindre 2,25 % en juin, ce qui déclenchera une relance des ventes immobilières. Des mises à pied et des compressions budgétaires atténueront l’élan, mais les taux d’intérêt plus bas inciteront les acheteurs à agir.